La semaine dernière, un agent immobilier est venu évaluer l'appartement que je loue, le propriétaire souhaitant le vendre.

Cet agent a évidemment constaté que le prix demandé ne pourrait être celui du marché pour diverses raisons : des fissures, sur un mur porteur et au plafond, l'intégralité des murs à refaire, des problèmes d'humidité, un jardin inutilisable puisque donnant sur une route au trafic important (accessoirement, servant de cendrier et de poubelle aux demeurés qui vivent à l'étage), et surtout, un appartement très bruyant puisque toute la résidence est, selon lui, « de mauvaise qualité ».

Mais aujourd'hui, une « conseillère clientèle », à la solde du gestionnaire de l'immeuble, m'a appelé.

Elle semble faire partie de ces cohortes d'analphabètes, imbues de leurs bavardages, qui pensent qu'enfiler les lieux communs et les fautes de syntaxe donne un ton professionnel et de l'efficacité à leur discours.

Le flot de paroles sous lequel j'ai été noyé n'était qu'une litanie de platitudes et de fautes de français visant à – tenter de – me convaincre de la qualité de mon logement, et de l'opportunité d'un placement fructueux.

En plus, elle veut visiter : peut-être espère-t-elle me montrer qu'avec un casque antibruit, les yeux fermés, le cerveau débranché, et des montagnes de mauvaise foi, je pourrais moi aussi constater avec émerveillement que l'achat au prix du marché de ce palace serait l'affaire du siècle.

Évidemment, l'agent immobilier, dont je lui ai parlé, a aussi eu droit à quelques compliments : il serait un dangereux récidiviste de la baisse de prix systématique, et serait de mèche avec d'aussi avides que détestables acheteurs à vil prix.

Elle ne serait, à l'entendre, qu'un modèle de probité, d'intégrité et de conscience professionnelle, la preuve : elle connaît bien la résidence.

Si elle connaissait si bien la résidence, elle saurait pourtant que la VMC tombe en panne régulièrement, et chaque fois pendant plusieurs semaines, que le syndic facture sans sourciller 80 euros un changement d'ampoule (c'est vrai que c'est sur le parking, le prix des intempéries certainement), que la plupart des logements ont connu des avaries diverses, et que beaucoup de locataires n'ont visiblement pas lu le règlement, et trouvent donc normal de garer leurs motos sur le carrelage du hall, juste devant les portes des appartements, afin que tous profitent du bruit et des émanations d'essence.

J'attends sa visite avec impatience.

Un article intitulé « Feeling grumpy 'is good for you' » (être grincheux est bon pour vous) sur le site BBC news (1) rend compte d'une étude sur la mauvaise humeur réalisée par un psychologue australien, le professeur Forgas.

Les conclusions sont sans appel : la mauvaise humeur rend plus attentif et renforce l'attention portée au monde extérieur.

Le cerveau serait aussi plus performant pour les tâches intellectuellement exigeantes (doit-on en conclure que la mauvaise humeur est inutile au travail ?).

Elle permettrait aussi un mode de communication plus efficace, ce qui n'a rien d'étonnant.

J'ai maintenant une raison parfaitement scientifique de ne pas être de bonne humeur, ceux qui me connaissent savent que je n'en avais pas besoin.

(1) http://news.bbc.co.uk/2/hi/8339647.stm

En plein débat sur la réforme des retraites, il me semble utile de rappeler la contribution de Michel Audiard sur ce sujet (1) :

- La retraite, il faut la prendre jeune.
- Faut surtout la prendre vivant. C'est pas dans les moyens de tout le monde.

(1) dans « les barbouzes »