Dans la vie d'un prestataire, il y a toujours un moment où le client vous rappelle votre misérable condition.

C'était ce matin, un des directeurs du site sur lequel je suis très temporairement affecté passait dans les couloirs présenter une nouvelle dirigeante à tout l'étage.

Lorsqu'il est arrivé devant moi, il a dit d'un air entendu, pointant son index : "ça, c'est un prestataire", puis il a continué sa tournée.

"ça" ne mérite pas qu'on en parle, "ça" a-t-il un nom ou un prénom, a-t-il une âme ?

On s'en fout : c'est du jetable, du kleenex, de l'éjectable à l'envi, de la chair à missions sans intérêt, presque rien.

Ce n'est pas la première fois que je suis ainsi ramené à la réalité : il y a longtemps déjà, un directeur informatique avait dit à tous ceux qui étaient avec moi dans le bureau : "ici, vous êtes du bétail".

C'est beau la vie de presta.


« La fin du pétrole, histoire de la pénurie sous l’occupation » de Mathieu Flonneau.

Il y avait en 1940 en France, environ 1,7 millions de véhicules automobiles, soit 20 fois moins qu’aujourd’hui, mais la pénurie de carburant, dès le début du conflit, a mis en lumière la dépendance au pétrole, et surtout l’impossibilité de trouver des solutions alternatives viables à grande échelle.

Les alternatives de l’époque étaient le gazogène, l’acétylène, le gaz de ville et les véhicules électriques (déjà !).

Chacune de ces technologies nécessite des apports en matière première ou des processus de fabrication incompatibles avec une utilisation de masse rapide, surtout en période de pénurie.

C’est pourquoi de nombreux règlements, lois et décrets sont apparus pour limiter l’utilisation de chaque technologie : la méthode est toujours appliquée aujourd’hui, légiférer afin de freiner tout changement.

La conclusion du livre est qu’il n’y a pas de solution simple, durable, et applicable à grande échelle. 


Pas plus qu’il n’existerait une hypothétique solution alternative « cachée » qui nous sauverait tous.

Le croirez-vous ? Je suis invité par une société de service, et via un réseau social professionnel, à une soirée « conférence et recrutement », dont le titre est « exploitation et mitigation » : je n’ai presque aucune idée de ce qui se cache derrière ce titre.

Si j’en crois la consonance et mon envie d’y réfléchir avec sérieux, ça doit être une soirée esclavagisme et robinetterie.

Le contenu de l’invitation est heureusement plus explicite, l’annonce s’adresse à des jeunes experts en sécurité. 


Il leur est proposé de rejoindre les « Warriors » de la « cyber sécurité », ça ne plaisante pas, d’autant qu’il y a des ninjas en arrière-plan. (1)

Je suis quand même très étonné que malgré les compétences en sécurité de la société, qui affiche des guerriers japonais dans ses emails, personne n’a pensé à cibler les destinataires : je n’ai aucune compétence dans le domaine demandé, puisque d’après la liste des profils recherchés, il me faudrait être expert dans n’importe quoi, pourvu que ça se termine par « sécurité ». ( et accessoirement, être
« jeune »)

De toute façon, je n’ai aucune envie de travailler pour cette entreprise qui m’a déjà montré son mépris pour mon CV.




 (1) Je vous jure qu’il y a vraiment des ninjas sur l’invitation, ils sont comme ça :




C’était hier, au journal télévisé, la bonne nouvelle de l’année : le pôle emploi prévoit en 2014 une hausse de 5% des intentions d’embauche.

Il faut souligner qu’il ne s’agit que d’intentions, et surtout que je ne connais personne à qui pôle emploi ait trouvé un travail. Sans compter que ce n’est pas une hausse des intentions, même de plusieurs  % qui permettra  de faire baisser le chômage. 

La suite du reportage coule de source : la journaliste a jugé bon de poser à l’expert du marché de l’emploi la question bête qui appelle une réponse inepte. Elle lui a demandé si par un hasard curieux il n’y aurait pas des secteurs « en tension » qui auraient beaucoup, mais alors vraiment beaucoup, de mal à recruter malgré 5 millions d’inscrits chez Pôle.

Qui l’eut cru ? Le premier secteur cité est l’informatique : il serait difficile de recruter des « ingénieurs en informatique ».  Allez donc demander aux 77 000 inscrits dans ce secteur (1) ce qu’ils en pensent : il est vrai qu’ils ont sûrement trop d’expérience, ou plus de 35 ans, ce qui revient au même dans un secteur où on est sénior après 5 ans d’expérience.

Autre secteur cité : la restauration. Rassurez-vous, il n’auront pas besoin de recruter bien longtemps : les tickets restaurants qui jusque-là étaient surtout cumulés pour se payer un bon restaurant le week-end ou les courses de la semaine ne deviendront bientôt utilisables que dans des restaurants, en semaine, le midi. (C’était déjà le cas, en théorie, mais le laxisme était de mise).

Si cette règle est strictement appliquée, nombreux seront ceux qui comme moi, diront clairement à leur employeur ce qu’il peut faire de ses tickets (il est tout à fait possible d’y renoncer), puisqu’il est hors de question que je sois obligé de manger dans des restaurants où on me servira du réchauffé le midi (2) : je peux le faire pour moins cher à la maison. Les intentions d’embauche devraient s’en ressentir.

Mais voilà, il faut bien remplir le journal télévisé avec des bonnes nouvelles, quitte à passer pour définitivement incompétent, pour faire croire qu’il reste une lumière au bout du tunnel, alors qu’elle a été éteinte pour des raisons budgétaires.

(1)    Les (vrais) chiffres sont là : http://munci.org/emploi-informatique.pdf
(2)    Selon l’Umih, le principal syndicat des métiers de l’hôtellerie, "aujourd’hui, près de 80 % des 150 000 établissements répertoriés dans l’Hexagone travaillent avec des produits industriels semi-élaborés ou finis". source : http://www.ufc-quechoisir-tours.org/acturestosplats.html

L’intercontrat est la période pendant laquelle un salarié de SSII est sans mission, c’est mon cas en ce moment.

Il ne faut pas en conclure que c’est une période reposante durant laquelle on peut rester tranquillement à l’agence en passant ses courtes journées de « travail » à surfer sur internet : être sans mission peut être risqué.


Dans les périodes fastes, l’intercontrat ne dure pas longtemps, et il se trouve rapidement n’importe quelle mission sur laquelle un commercial est prêt à vous vendre au plus offrant : il est là pour construire sa carrière (c’est-à-dire faire le plus de marge possible sur le dos des autres), et certainement pas celle de ceux qu’il vend.


Dans les périodes difficiles, comme en ce moment, l’intercontrat est souvent le premier pas vers le pôle-emploi, les départs plus ou moins arrangés sont de mise.


La société qui a racheté celle dans laquelle j’étais (depuis 3 mois) voit d’un très mauvais œil que des quadras qu’elle estime surpayés soient en intercontrat., et nous sommes déjà nombreux dans la ligne de mire.


Déjà en 2009, le site cadremploi (1) rappelait que « « Les entreprises se retrouvent avec des stocks d'informaticiens dont elles ne savent pas quoi faire », et la situation est loin de s’être améliorée.


Ce n’est pourtant que le début, il n’est pas prévu d’embellie, ou autre « inversion de courbe », dans les mois à venir pour la prestation de service, il suffit de voir ce qu’il en est :
http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-chomage-plus-d-informaticiens-a-pole-emploi-en-janvier-2014-56706.html

(1) http://www.cadremploi.fr/editorial/conseils/droit-du-travail/detail/article/salaries-en-intercontrat-de-ssii-quels-sont-vos-droits.html

Bonne année !

Manigong bagong taon !

Happy new year !

新年快乐 !