Un nouvelle mission, et rien ne change.

Dès mon arrivée, on m’a bien fait comprendre qu’un « technique » comme moi, avec ses mains pleines de cambouis, n’aurait jamais la considération des responsables du projet : pour eux, forcément, si j’accepte ce boulot à mon âge, c’est que je suis mentalement déficient et / ou incompétent (en fait un peu des deux, mais il ne le savent pas encore).

De plus, il y a sur ce projet une guerre entre les 2 principaux sous-traitants.

N’étant d’aucune de ces 2 sociétés, c’est sur mon dos que tout le monde tente de régler ses comptes.

Un exemple : je demande au sous-traitant N°2 des documents pour pouvoir travailler. 

Celui-ci me dit qu’il les a déjà envoyés au sous-traitant N°1, à qui je dois les demander.

Le sous-traitant N°1 répond un heure plus tard dans un mail expliquant qu’il ne les a jamais eus.

Le sous-traitant N°2 me les envoie 3 heures plus tard : une demi-journée perdue pour des problèmes d’ego.

Ca promet, d’autant que les retards accumulés sur le projet rendent impossibles de nouveaux dérapages.

A peine une mission refusée à demi-mot, une autre pointe le bout de son ennui.

Cette fois c’est encore plus misérable : grâce à une recherche par mot-clé de mes chers commerciaux dans la base des CV, une application sur laquelle j’ai travaillé quelques mois il y a plus de 20 ans ressurgit du passé.

J’en deviens immédiatement le spécialiste pour être présenté au client.

Client qui est dans les choux, et qui est en fait surtout intéressé par des compétences antédiluviennes en mainframe (1) parce que même les indiens qu’il font travailler ne s’en sortent plus.

Comme je l’ai rappelé à un commercial qui tentait (il me croit vraiment demeuré ?) de m’expliquer qu’il est difficile de trouver des compétences mainframe : nous avons tous été virés comme des vieux cons incompétents, traités comme des moins que rien, et maintenant vous venez pleurnicher parce qu’il serait difficile de recruter ?

En fait, plutôt que de payer des gens correctement en France, les SSII (je n’arrive toujours pas à dire ESN) font venir à vil prix des indiens, soit-disant pour pallier la pénurie locale.

Mais les visas ont des limites, le niveau d’anglais des français aussi, il faut donc trouver des dinosaures comme moi pour faire avancer le boulot.

Ce projet sur lequel on m’envoie a un problème simple, et récurrent en France : il y a à peu-près 3 managers (en français : remplisseur de feuilles Excel ou de présentations powerpoint) pour un technique.

Si j’avais une carrière à gérer, comme les jeunes managers qui dessinent des plannings, je n’aurais pas accepté cette mission, qui consiste à revenir au plus bas niveau d’un projet, sur des technologies obsolètes.

Heureusement je n’ai plus de carrière depuis longtemps : j’attends juste le courrier recommandé promis par ma responsable RH depuis 18 mois, je vais donc faire mes 7h30 quotidiennes et contractuelles sans trop me fatiguer.

En plus, c’est près de chez moi.

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordinateur_central , avec des technologies comme le cobol, le JCL, DB2, Vsam, CICS .