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« Vous êtes fou d’avaler ça » de Christophe Brusset, ingénieur devenu dirigeant au sein de groupes agro-alimentaires internationaux.

Si les médias se font régulièrement l’écho de scandales alimentaires, ce livre en est une compilation, et surtout, présente les méthodes parfois délirantes utilisées en (presque) toute légalité par les industriels, dans le but unique d’augmenter leur marge en baissant les coûts d’approvisionnement et de fabrication.

Dès les premières pages, une des explications apparaît : « une manière subtile d’interpréter une législation floue, élaborée par des technocrates incompétents sous la pression de lobbyistes de l‘industrie et de la grande distribution. »

Cette législation permet par exemple d’intégrer aux produits des « additifs » sans les mentionner : il s’agit des « auxiliaires technologiques » (1), dont la seule différence avec les additifs, outre leur absence sur l’étiquette, est leur dosage.

Parmi les produits cités en exemple, le poivre : moulu, il est curieusement moins cher au kilo, alors qu’il nécessite un traitement supplémentaire, une partie de la recette de ce miracle est page 154.

Un ingrédient presque omniprésent dans la nourriture industrielle est le fructose, qui favorise la production de ghréline…Hormone qui stimule l’appétit.


Le dernier chapitre est un guide de survie en magasin. Il est détaillé, mais les grandes lignes peuvent se résumer en une phrase : acheter les produits les plus locaux et les moins transformés possibles.

Et bon appétit bien sûr.

(1) : https://www.anses.fr/fr/content/les-auxiliaires-technologiques

Le titre n’est pas de moi, c’est celui d’un article très pertinent dont je vous conseille la lecture, en voici un extrait : 

« En fait, nous sommes devant les enfants de la nouvelle idéologie pédagogique qui dévalorise le savoir et la culture­­.
Ils ne s’inclinent pas devant la culture, ils n’ont pas honte d’échouer, ils n’ont pas honte non plus de leur inculture, ils se victimisent et considèrent désormais que c’est un droit fondamental d’avoir des examens adaptés à leur ignorance. »



« Ubu loi » de Philippe Sassier et Dominique Lansoy.

Nul n’est censé  ignorer la loi, mais ce principe est impossible à respecter : plus de 10000 lois, 120000 décrets, 7400 traités, 17000 textes communautaires, le tout dans 62 codes différents et leurs dizaines de milliers de pages.


« Trop de loi tue la loi » avait déclaré un ancien président, et ce livre fourmille d’exemples.

Un des premiers donnés concerne les droits des personnes handicapés : il y a tellement de textes différents que la loi qui prévoit une aide financière pour favoriser leur travail ne peut s’appliquer qu’à ceux dont le handicap est tel qu'il exclut tout travail.


Le code du travail, lui, n’en finit pas d’épaissir : de 1984 à 2004, il est passé de 1800 à 2664 pages.

Plus loin on apprend qu’en 1997, un rapport de l’IGF pointait un sureffectif global de 500000 agents dans les 3 fonctions publiques. Ce rapport précisait que les 35h devraient s’y appliquer au cas par cas, et sans création de poste : on connaît la suite.


A Bruxelles aussi, on cogite sérieusement pour nous compliquer la vie : d’après les auteurs, il s’en est fallu de peu que ne soit règlementée l’exposition au soleil. Ce qui aurait amené à interdire des métiers comme moniteur de ski ou marin-pêcheur.


D’après la cours des comptes (rapport de 2005), même la recherche pâtit de son modèle de gestion.

Ce livre date de 2007, d’autres ont été écrits avant sur le même thème, et je ne doute pas que d’autres l’ont été depuis.

Le plus paradoxal est finalement d’avoir un système législatif si compliqué dans un pays où le budget de la justice est un des plus faibles (1).

(1)    http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/evaluation/2010/2010_pays_comparables.pdf

« La fin du pétrole, histoire de la pénurie sous l’occupation » de Mathieu Flonneau.

Il y avait en 1940 en France, environ 1,7 millions de véhicules automobiles, soit 20 fois moins qu’aujourd’hui, mais la pénurie de carburant, dès le début du conflit, a mis en lumière la dépendance au pétrole, et surtout l’impossibilité de trouver des solutions alternatives viables à grande échelle.

Les alternatives de l’époque étaient le gazogène, l’acétylène, le gaz de ville et les véhicules électriques (déjà !).

Chacune de ces technologies nécessite des apports en matière première ou des processus de fabrication incompatibles avec une utilisation de masse rapide, surtout en période de pénurie.

C’est pourquoi de nombreux règlements, lois et décrets sont apparus pour limiter l’utilisation de chaque technologie : la méthode est toujours appliquée aujourd’hui, légiférer afin de freiner tout changement.

La conclusion du livre est qu’il n’y a pas de solution simple, durable, et applicable à grande échelle. 


Pas plus qu’il n’existerait une hypothétique solution alternative « cachée » qui nous sauverait tous.

« Le livre noir de l'agriculture », d'Isabelle Saporta, journaliste.

En ces temps de lasagnes de bœuf au cheval (que nous allons failli manger avec une cuillère de bois) et de tarte au caca, la lecture de ce livre ne peut que légitimer nos inquiétudes.


D’autant que tout ce qui y est décrit obéit aux règlementations françaises et européennes, il ne s’agit pas  de tromperie. 


Le premier chapitre nous dit tout sur le cochon : pauvre bête ! Gavé de mélanges les plus improbables de produits achetés aux quatre coins du monde, et dopé aux antibiotiques, ça ne donne pas très envie de manger du jambon.
 

Du maïs peut-être ? Mais c'est bien sûr : comment faire pousser une plante tropicale dans des régions où on manque d'eau quand il fait chaud ? Facile, il suffit d'irriguer, et même, de donner des primes pour irriguer.
Ensuite, il suffit de donner d'autres primes pour dépolluer l'eau contaminée par les pesticides diffusés par l'irrigation...
 

Mangez des pommes ! Et bon courage à ceux qui le font : c'est un des fruits les plus traités (26 à 27 traitements chimiques différents, mais d’autres sources en indiquent plus).
 

Inutile d'espérer éviter cette pollution en pelant les pommes avant de les manger nous dit l’auteur  (il faudrait enlever 8mm d'épaisseur), d'autant que de plus en plus de produits sont dits "systémiques", et qu'ils se diffusent jusqu'au cœur du fruit.
 

Du pain peut-être ? Alors évitez le pain complet s’il n’est pas bio : il serait truffé d’additifs chimiques dont plus de 200 sont autorisés au niveau européen.
Je m’arrête là, il y aurait trop à dire tant les exemples cités sont nombreux.
 

Tout au long du livre, il est triste de constater que des solutions simples et peu coûteuses permettraient de passer rapidement à une agriculture « raisonnée », beaucoup moins polluante et presque aussi productive. Mais il faudrait pour ça changer les mentalités, et plus difficile encore, faire plier les lobbys.

En conclusion : bon appétit bien sûr !

« Mais où sont les yachts des clients ? » de Fred Schwed, jr

Le livre doit son titre à une histoire ancienne :

Il était une fois un étranger en visite à Wall Street.
En sortant, son guide lui montra la marina :
« - Et ici vous pouvez admirer les yachts des banquiers et des agents de change !
   - Mais où sont les yachts des clients ? », demande alors le naïf visiteur.


Il a été écrit en 1940, et plusieurs fois réédité. L'auteur a travaillé pendant 10 ans à Wall Street, et a connu le krach de 1929.

La citation anonyme au début du livre donne le ton : « Les informations mentionnées ci-après, bien que divulguées sans aucune garantie, proviennent de sources qui n'ont jamais fait preuve, dans le passé, de la moindre fiabilité ».

Tous les aspects de la bourse et de la finance, et en particulier ceux qui déchaînent les médias depuis 3 ans, sont traités. Ce livre est resté une référence pour une raison simple : rien n'a changé.

Il y est question des fonds d'investissement et leurs promesses de performance, des clients qualifiés de « peuple courageux », des options, de la croyance en un bon vieux temps de la finance, la passion pour les prophéties boursières, etc.

Un chapitre est consacré aux « chevaliers noirs » de la finance : les vendeurs à découvert.
L'auteur rappelle à juste titre, que s'ils sont la cible privilégiée des critiques « du système », ils perdent bien plus souvent tout ce qu'ils ont, et parfois plus, qu'ils ne font fortune. Si on en parle autant, c'est parce que les rares qui gagnent à ce jeu le font en période de crise, au moment au tout le monde perd (du moins ceux qui vendent, puisque tant qu'on n'a pas vendu...).

Étonnamment, il est aussi question de régulation, qui sous la forme qu'elle a prise dans les années 30, semble pour l'auteur avoir été inutile, voire même contre-productive.

Les théories « chartistes » étaient déjà très à la mode dans les années 30 : les partisans de cette doctrine prétendent prédire l'avenir en lisant les graphiques du passé (1). Pour se donner un vernis de sérieux, ils appellent ça « analyse technique », alors qu'il n'y a rien de technique, c'est juste de l'extrapolation à partir d'un dessin.

Même un des plus fervents partisans, le major Angas, le dit « Toutes ces théories sont valables la plupart tu temps; aucune n'est valable tout le temps ».

Ce que ne rappelle pas l'auteur, et qu'il semble considérer comme acquis, est que si la bourse peut (en théorie) enrichir n'importe qui, elle ne peut jamais enrichir tout le monde (2) : c'est un marché, et comme sur tout marché, l'argent est simplement transféré de l'acheteur au vendeur, aucune richesse n'est créée. Seuls les courtiers s'en sortent toujours bien, puisque quels que soient les ordres qu'ils passent, ils ont une commission.

La lecture de ce livre devrait être obligatoire avant de débuter en bourse, afin de méditer sur des phrases comme : « cette incapacité à saisir les réalités ultimes constitue l'exceptionnelle déficience mentale du spéculateur, petit ou grand ».

Pour conclure, une dernière citation :

« Le client ruiné préfère certainement croire qu'il a été volé comme au coin du bois plutôt que d'admettre qu'il a été assez fou pour suivre les conseils d'autres fous ».


(1) Historiquement, l'analyse technique est née sur le marché du riz au 18ème siècle, autant dire qu'à wall-street, c'est aussi efficace que le marc de café ou les tarots. Mais tous les partisans vous diront que « ça marche ».
(2) Contrairement à une fausse idée, mais vrai marketing, propagée par nombre de « conseillers financiers » (ceux qui douteraient pourront se rappeler Eurotunnel, la bulle Internet, ou penser à ceux qui ont converti leur livret A en actions Natixis)

« Petites leçons d'économie à la portée de tous », de Jean-Marc Sylvestre, docteur en sciences économiques, animateur télé, et chroniqueur radio.

Ce n'est pas un manuel d'économie, mais une compilation de chroniques économiques, oublions au passage la condescendance du titre.

Une précision : j'ai acheté  ce livre sans avoir préalablement vérifié la date de parution. Je le pensais récent, il date en fait de 2007.

L'avantage de le lire avec 4 ans de retard, c'est de vérifier à nouveau l'adage : « un économiste, c'est quelqu'un qui vous expliquera l'an prochain pourquoi ce qu'il a dit l'an dernier n'est pas arrivé cette année », et profiter de quelques (involontaires ?) perles.

Quelques exemples...

p29 « l'Allemagne cessera de s'endetter et commencera à rembourser en 2010 »

p49 Sur l'économie américaine : « on avait craint un trou d'air en 2006, mais ses effets ont été gérés et les perspectives sont bonnes pour 2007 »

p68 « La crise de l'été 2007 n'aura eu que peu d'impact », « L'Amérique a réussi son atterrissage en douceur »

p122 « De l'avis des experts, l'action EDF ne peut que monter » (plus de 70 euros fin 2007, moins de 27 aujourd'hui).

p254 A propos des records consécutifs du CAC 40 de 2007 : « les grandes tendances sur lesquelles  les acteurs boursiers s'appuient depuis le début de l'année se confirment jour après jour » , notamment «  L'économie américaine continue de bien fonctionner » et « les perspectives européennes sont très améliorées ».

p266 Après une envolée boursière à New-York, et alors que les chiffres des prévisions pour 2007 sont « très bons » « on obtient l'équation de ce que les économistes appellent un 'cercle vertueux' »

p278 Sur le fonctionnement de l'économie américaine, en particulier les crédits hypothécaires, et les dégâts qui en résultent  puisque « les autorités monétaires ont pris le parti de laisser le système se purger »; « Finalement, le système retrouve son équilibre »

p304 Les prévisions d'embauche en France pour 2007 : « On continue d'embaucher massivement des ingénieurs en informatique (1) […]. Les risques de pénurie sont très sérieux ». Là c'est du pur délire, il y avait plus de 2,4 millions d'inscrits à l'ANPE à cette époque...

p323 « Vous avez acheté, il y a dix ans, un appartement à Paris ou dans une grande ville, les crédits sont remboursés ». Peut-on avoir ne serait-ce qu'un semblant de sens des réalités et écrire une énormité pareille ? Rembourser un appartement (A Paris !) en 10 ans ? Sait-il que le salaire médian (2) en France est en dessous de 1500 euros nets ??
Tout ça pour donner son avis sur l'ISF...

p345 Le croirez-vous : « Il est facile, avec le recul, d'expliquer le succès du scénario de rupture écrit par Nicolas Sarkozy »

p404 « Quand on ne se prend pas la tête dans les contraintes idéologiques, c'est assez simple l'économie ».

p413 L'environnement serait favorable en 2007, et « les prévisions 2008 prolongent cette tendance »

p429 « Le nouveau gouvernement compte bien faire la chasse aux dépenses de fonctionnement ». En baissant le salaire du président ? En évitant d'acheter un Airbus refait à neuf ?

p441 Quand l'état se mêle d'économie... « Le meilleur, c'est le succès de Natixis ».
Quel succès en effet, présentée en 2006 aux petits épargnants comme une valeur sans risque à 19,55 euros l'action, qui est tombée en dessous d'un euro au pire de la crise, et qui fluctue maintenant entre 3 et 4 euros.

p454 Selon l'auteur, l'abbé Pierre « à sa manière, il revendiquait l'efficacité des outils du libéralisme »

Il y a aussi (heureusement, vue l'épaisseur du livre !) quelques analyses et informations intéressantes, mais pas assez pour recommander à d'autres cette lecture, et souvent empreintes d'un parti pris qui frise la caricature (assez fatiguant de lire toutes les 15 pages que nous avons un président vraiment formidable, qui a tout compris à l'économie,etc.).

Peut-être devrais-je maintenant me procurer « l'économie n'existe pas », qui semble plus approprié, et beaucoup plus réaliste, et continuer de me demander pourquoi on associe « science » et « économie ».

(1) Une imbécillité qui ne pouvait m'échapper...
(2) « salaire médian » : la moitié des gens gagnent moins (et l'autre moitié plus, le lecteur éveillé l'aura compris)

« Les chèvres du pentagone » de Jon Ronson, journaliste (the guardian) et auteur de documentaires.

Le livre commence par le portrait du Général Stubblebine (1), chef des services de renseignement de l'armée américaine, en 1983. Il pense pouvoir traverser les murs, mais se heurte régulièrement à celui de son bureau lors de ses tentatives.
Il s'essaye aussi à la lévitation, sans plus de succès, et de son propre aveu « pas moyen de décoller mon gros cul du sol ».

Le général Stubblebine supervisait, entre autres, le « labo des chèvres », où étaient (sont ?) parquées des chèvres rendues muettes pour masquer leur présence sur une base militaire, et qui étaient utilisées pour tester les pouvoirs de l'esprit : tenter de les tuer en arrêtant leur cœur par la force de la pensée.

Un expert en arts martiaux, Guy Savelli, prétend pouvoir le faire sur des hamsters par la seule force de son regard.

Le but de ces expériences, de la traversée des murs au génocide des chèvres, était de former des « supers soldats », des « guerriers jedi », comme les appelle un ancien médium des forces spéciales, Glenn Wheaton, capables entre autres prouesses de devenir invisibles.

L'homme à l'origine des ces idées loufoques à la fin des années 70 est Jim Channon (2), auteur du « manuel d'opérations du bataillon de la première terre » (3) après son expérience traumatisante au Vietnam. (4).

Son manuel proposait des méthodes issues pour la plupart du mouvement « new age » pour mener les guerres autrement que par l'emploi de la force.

A cette époque, le général Noriega, qui émargeait à la CIA (alors dirigée par un certain Georges Bush) et devenait un problème a été la cible d'attaques d'une équipe de médiums logés à Fort Meade.
Noriega était lui aussi adeptes des méthodes paranormales pour assurer sa sécurité.

A partir de 1995, un des des anciens médiums de Fort Meade, Ed James, a commencé à faire des « révélations » et autres « prédictions », plus fantaisistes les unes que les autres, dans l'émission de radio d'Art Bell.

Ces nombreuses opérations secrètes ont aussi un coût : l'administration de Georges W Bush a fait verser, en 2004, 30 milliards de dollars à un budget secret pour les financer.

Il est aussi question du projet « MK-ULTRA » lancé par la CIA dans les années 50, à grand renfort de LSD, des méthodes utilisées à Abou Ghraib (5), de Guantanamo, etc.

Mais le plus difficile est de garder à l'esprit la première phrase du livre en lisant ces délires : « ceci est une histoire vraie ».

(1) http://en.wikipedia.org/wiki/Albert_Stubblebine
(2) http://en.wikipedia.org/wiki/Jim_Channon
(3) http://www.amazon.com/First-Earth-Battalion-Operations-Manual/dp/1449524559
(4) Où il a pu constater que  seuls 15 à 20% des soldats à qui on en donne l'ordre tirent pour tuer. Parmi ceux-là, 98% deviendront fous, les 2% restants étaient déjà fous. Il fit une dépression à son retour.
(5) Avec une version très différente de ce qu'avaient présenté les médias à l'époque du scandale

« les stratégies absurdes » de Maya Beauvallet, économiste, maître de conférence à Telecom Paris.

Les absurdités dont il est question dans ce livre concernent les indicateurs de performance, qui sont devenus l'outil indispensable des managers en perdition, en particulier de ceux qui pensent que « parce que le travail suppose un effort, chacun y serait spontanément réticent ».

Le but de ces indicateurs chiffrés est de mettre en place des stratégies de contrôle, d'incitation, ou de sanction.

Au fil des chapitres, des domaines très divers sont passés en revue : des juges de patinage artistique au stockage des déchets nucléaires, du taux de placement des chômeurs au nombre de césariennes, etc.

De nombreux exemples viennent des USA, qui ont toujours un temps d'avance sur ce qu'il ne faut pas forcément faire, mais que nous tentons quand même d'imiter (avec une petite différence : eux arrêtent quand ça ne fonctionne pas).

Le travers de tous les indicateurs pris en exemple est le même : le plus souvent, ce qui est mesuré n'est pas la performance, mais l'indicateur lui-même.

Le propos du livre n'est pas de décourager ceux qui voudraient mesurer et améliorer les performances, mais de mettre en lumière les erreurs qu'entrainent les indicateurs mal définis.

A lire avant de signer sa feuille d'objectifs annuels, établis avec son cher manager.

« Notre capital chance », par Richard Wiseman, docteur en psychologie et directeur de recherche à l'université du Hertfordshire.

Avec ce titre et une couverture décorée de trèfles à quatre feuilles, ce livre fait penser à ces ouvrages tendance new-age qui vous promettent un avenir radieux, souvent avec force pattes de lapins, cristaux, ou autres gris-gris.

C'est tout le contraire ici : une enquête minutieuse et scientifique sur ce qui fait que certains pensent être nés sous une bonne étoile, alors que d'autres ont la certitude d'être maudits.

Bien entendu, il n'est pas question de la chance aux jeux de hasard (loto, cartes, etc.), puisque, précisément, ils dépendent du hasard et n'ont rien à faire dans cette étude.

Il s'agit ici de déterminer pourquoi certains semblent avoir plus d'opportunités que d'autres, dans la vie au sens large : famille, situation financière, santé, etc.

Les résultats des recherches effectuées aboutissent à 4 grands principes qui permettraient d'avoir une vie plus chanceuse : tirer partie des occasions fortuites, écouter son intuition, attendre la bonne fortune, et transformer le mauvais sort en bonne fortune.

En résumé : ceux qui sont à l'écoute (« aware » comme dirait l'autre), et savent avoir un angle de vue suffisamment positif, sont globalement plus chanceux que les autres.

Le livre est riche en témoignages et résultats d'enquêtes, il propose dans le dernier chapitre une « école de la chance », avec exercices pratiques, et vérification des résultats.

A tester sur le marché de l'emploi.

« The tipping point, how little things make a big difference » de Malcolm Gladwell, journaliste et écrivain.

Ce livre traite des phénomènes épidémiques et plus particulièrement du « point de bascule » (tipping point), le moment où une idée, une mode, une maladie, etc. se répand à grande échelle.

La théorie de l'auteur est que trois règles régissent ces phénomènes : les déclencheurs, le principe d'adhérence, et le pouvoir du contexte.

La première règle dit que le point de départ d'un phénomène de masse n'est du qu'à un petit nombre de personnes, les déclencheurs : un des exemples donnés est celui du début de la guerre d'indépendance américaine.

Deux personnes seulement ont suffi à soulever les milices américaines autour de Boston contre l'imminente offensive anglaise : Paul Revere et Joseph Waren.

Ce type d'individu, qui connaît beaucoup d'autres personnes, est appelé « connecteur » par l'auteur. Parmi les déclencheurs, il existe aussi les « mavens » (experts de leur domaine) et les vendeurs.

Le principe d'adhérence est illustré par le succès des séries pour enfants « Sesame Street » et « Blue's Clues » : comment faire en sorte qu'un programme soit non seulement regardé, mais aussi qu'il permette d'apprendre.

Le premier chapitre sur le pouvoir du contexte traite de la criminalité à New-York au début des années 90, dont l'explication du déclin par l'auteur est très différente de celle exposée dans « Freakonomics » (1).
Ce chapitre expose par ailleurs de façon claire la théorie du « carreau cassé » pour lutter contre la criminalité, mal interprétée et transformée en « tolérance zéro » de ce côté de l'Atlantique.

Dans la suite de l'étude du contexte, il est question du nombre maximum de personnes avec qui nous pouvons avoir une relation « sociale » : ce chiffre est d'environ 150 (plus précisément 147.8, il est donné par une équation reliant la taille du néo-cortex à celle du cerveau).

Ce chiffre a quelque chose de particulier puisqu'il se retrouve dans de nombreuses et diverses cultures (Groenland, terre de feu, Australie, etc.) dans lesquelles il correspond à la taille moyenne des villages.
Au delà de 150, une communauté devient moins efficace.

C'est ce principe qu'a appliqué la société « Gore » (pas le cinéma, mais les vêtements en Gore-Tex par exemple) pour la taille de ses sites : dès qu'un site dépasse ce chiffre, un nouveau est créé (2).
Il ne s'agit le plus souvent que d'un bâtiment différent, parfois assez proche pour être visible du premier, mais qui permet de conserver un même niveau d'efficacité (3).

Il est aussi question des couples et de leur capacité à avoir une mémoire commune, chacun ayant une partie de l'information, des vagues de suicide en Micronésie, ou liées à des accidents de la route, ou aux décès de stars, du tabac, de diverses expériences en psychologie, etc.


(1) http://affresdemploi.over-blog.com/article-12343014.html
(2) http://www.commonsenseadvice.com/human_cortex_dunbar.html
(3) Ici, on pourra sourire de la propension des grandes entreprises – ou administrations - à se regrouper dans des sites démesurés.

En réponse au commentaire posté sur l'article précédent, quelques compléments semblent nécessaires dans le domaine du travail.

Tout d'abord : 65% de l'information passe par le visuel, 55% pour le visage; dans le meilleur des cas, 45% du message sera perçu par la voix et les mots, dont 7% pour les mots.

La photo sur le CV : les personnes au visage agréable ou attirant sont considérées comme plus qualifiées pour occuper un poste que des personnes de compétences égales mais au physique moins avantageux. Même les recruteurs expérimentés sont sensibles à ce critère.
Dans le cas où un candidat au physique peu avantageux est recruté, il sera recruté à un salaire moindre.

Le port de lunettes est associé à des stéréotypes positifs (intelligent, travailleur et performant), mais aussi négatifs (peu sociable, peu séduisant, austère, peu sportif, moins actif). L'auteur du livre conseille, « par sécurité », de porter des lentilles pour les entretiens d'embauche.

Concernant le poids, toutes les études réalisées depuis les années 50 convergent pour montrer la perception « extrêmement négative » de la surcharge pondérale. Bien qu'aucune « norme » ne soit donnée qui permettrait de définir à partir de quand ce critère devient prépondérant.

Je passe sur les « ravages du jeunisme » et autres études qui finiraient par définitivement nous saper le moral.

De toutes façons, il devrait y avoir plus de 3 millions de chômeurs d'ici la fin de l'année.

« Le poids des apparences, Beauté, amour et gloire » de Jean-François Amadieu, professeur à l'université de Paris-I en sociologie et gestion des ressources humaines.

Dès l'introduction, le ton est donné : « Le moment est peut-être venu de dire clairement la vérité sur l'un des facteurs les plus obscurs de discrimination sociale. Par cet ouvrage, nous voudrions pouvoir contribuer à cette prise de conscience dans un pays qui se plaît à ignorer et minimiser le poids des apparences »

Le livre commence par une (tentative de) définition des « standards de la beauté », et se poursuit par les préjugés liés à l'apparence, notamment dans le vocabulaire, et les paradoxes des proverbes. Des études,près de 200, montrent que de nombreuses qualités sont associés aux belles personnes.

Et tout commence très tôt : de l'école au lycée, le physique d'un élève prédit entre 20 et 40% de la variance (1) des résultats scolaires. Le titre du chapitre le résume : « une clef du succès scolaire ».

Le chapitre 3 tombe sous le sens, puisqu'il traite des conquêtes et du mariage. La corrélation entre la beauté des conjoints est un bon moyen de déterminer la stabilité d'un couple.

Après les études, c'est la vie professionnelle et « l'inavouable réalité ». Il est connu de longue date que le non-verbal peut compter jusqu'à 90% dans la transmission d'information (2).

Au cours d'un entretien cette proportion peut tomber à 45%. Il reste alors à éviter, entre autres pièges, la « dissociation cognitive » du recruteur, qui n'admet pas que les aptitudes réelles du candidat soient en contradiction avec celles qu'il supposait.
Il y a aussi l'effet de « halo » : la première impression empêche d'apprécier de façon objective les caractéristiques réelles d'un individu.

Le salaire pâtit aussi de l'apparence : une étude menée en Angleterre a montré que s'il n'y a pas de bénéfice salarial à être beau, il y a en revanche un préjudice de 15% à être laid.
Aux états-unis, l'écart a été mesuré à 15% pour les employés.
Les écarts de salaires dépendent aussi du secteur : un beau vendeur gagne 13% de plus, un vendeur de grande taille gagne 25% de plus.

Parmi les nombreux exemples donnés, et les études citées, la plus marquante concerne l'académie militaire de West Point aux USA : le meilleur prédicteur de carrière des cadets est leur tête.
Sur la base de cette photo, il est possible de prévoir la carrière qu'ils auront : le rang de sortie de l'école n'a aucun lien avec la suite.

L'avant dernier chapitre s'intitule « délit de sale gueule » : les études montrent que pour un même délit, le montant de la sanction financière est inversement proportionnel à la beauté du coupable; l'écart est de 1 à 3.
Il ne faut pourtant pas (qui en doutait ?) se fier aux apparences : les délinquants au visage d'enfant commettent plus de délits que ceux au visage mature.

Le dernier chapitre traite de « politique et séduction », où il est plus question de notoriété que d'apparence.

Une remarque pour finir : si la réussite est grandement liée à l'apparence physique, il est aussi remarquable que tous les parents pensent avoir enfants très beaux. Une étude a révélé que le cerveau trouve beau ce qu'il est habitué à voir; il ne faut donc pas tirer de conclusions trop hâtives de ses propres observations.

(1) Pour faire court, la variance est la moyenne des carrés des écarts à la moyenne. L'écart type, qui est la racine carrée de la variance, lui est général préféré pour mesurer la dispersion d'un échantillon.
(2) Mehrabian et Wiener, 1967

« How would you move mount Fuji, microsoft cult of puzzles, how the smartest companies select the most creative thinkers » de William Poundstone.

Ce livre traite des méthodes de recrutement, plus particulièrement dans le domaine high-tech.

S’il se focalise sur Microsoft, c’est que cette société a certainement été la première a utiliser à grande échelle des méthodes de recrutement basées sur la résolution d’énigmes et autres devinettes (puzzles and riddles).

Ce type de test était utilisé dès 1957 par Shockley-Semiconductors, ou par Hewlett-Packard en 1979, et il semble que cette méthode ait été courante à Silicon Valley.

Le plus probable est que Microsoft se soit inspiré des méthodes des autres, comme dans de nombreux domaines.

Cette façon particulière de recruter est liée à la rapide évolution des technologies – et donc leur aussi rapide obsolescence - qui ne permet pas de baser la sélection uniquement sur des compétences techniques. Il est nécessaire de sélectionner des personnes qui savent penser différemment. D’autant plus lorsqu’on embauche des jeunes diplômés, pour lesquels les questions habituelles sur le parcours professionnel n’ont aucun sens.

Microsoft a, dès ses débuts, utilisé ce type d'entretien pour recruter. Au fil des années et de la croissance de l’entreprise, certains candidats – heureux ou pas - ont commencé à collecter les questions posées lors des entretiens d’embauche.

Des sites Internet (1) ont été dédiés à ces énigmes, au point d’interpeller les dirigeants d’autres entreprises du secteur. Le webmaster d’un de ces sites raconte qu’un de ces recruteurs, intéressé par ces énigmes et souhaitant les utiliser, lui a demandé les réponses qui vont avec. Il lui a été poliment répondu que, s’il n’est pas capable de trouver les réponses, il ne devrait pas poser les questions.

Une point reste en suspens: en quoi cette façon de recruter est-elle pertinente? Elle ne permet en effet que de mesurer la capacité des candidats à résoudre des énigmes, pas à s’intégrer dans une entreprise.

Des études ont par ailleurs montré qu’on ne sait résoudre un problème, qu’après l’avoir résolu, et qu’il n’y a pas de méthode générale ; la façon de procéder étant toujours la même : par élimination des pistes menant à des impasses.

De nombreuses énigmes sont soumises au lecteur, et le dernier tiers du livre est consacré aux réponses, leurs explications, et les méthodes de résolution.

En voici une, pour les autres, lisez le livre :

« Vous avez 2 mèches, chacune brûle en exactement une heure. Mais les 2 mèches ne sont pas identiques et ne brûlent pas à vitesse constante. Certaines sections d'une même mèche brûlent plus vite que d'autres.
Comment mesurez-vous 45 minutes avec seulement ces 2 mèches et un briquet ? »

(1) ici par exemple : http://techinterview.org/

« plus fort que les dieux, la remarquable histoire du risque » par Peter L.Bernstein, président d'une société de consultants en économie pour les investisseurs.

L'histoire de la gestion du risque commence avec les premiers échanges commerciaux. Les premières formes d'assurance maritime datent de l'empire romain avant d'apparaître plus formellement sous le nom de « chambre d'assurance » en 1310 à Bruges, mais c'est à la renaissance que se font les premières tentatives d'étude et de formalisation.

Notamment avec Cardan qui rédige un traité de mathématiques « le grand art » en 1545, puis « le livre des jeux de hasard », dans lequel apparaît pour la première fois la notion de probabilité.

Au 17ème siècle, c'est en France que se poursuit cette étude, avec Pascal, Fermat, et le chevalier de Méré : pour la première fois on mesure la probabilité d'un évènement.

A la même époque, en 1696, Edward Lloyd crée en Angleterre la « Lloyd's List », périodique dressant le calendrier des mouvements de navires. La « Society of Lloy's » est créée en 1771, et devient une des premières compagnies d'assurance du monde.
Francis Bacon avait dès 1601 présenté un projet de loi pour règlementer les polices d'assurance qui « sont en usage depuis un temps immémorial ».
Aux états-unis, Benjamin Franklin a crée la « First American » en 1752.

Plus proche de nous, et surtout de nos préoccupations actuelles, la gestion du risque s'est intéressée aux marchés financiers, dès le 19ème siècle, avec une phrase qui aurait gagné à être gravée sur la façade du palais Brognard : « l'espérance mathématique du spéculateur est égale à zéro ».
Elle est de Louis Bachelier; sa thèse, intitulée « théorie de la spéculation », ne fut pas suffisamment bien notée par Poincaré pour lui permettre d'enseigner à l'université.

L'avant dernier chapitre est consacré aux produits dérivés, qu'on nous présente dans les médias comme une des causes de la crise actuelle.

C'est oublier ce qu'ils sont vraiment : la couverture d'un risque. L'exemple type est celui de l'agriculteur qui vend se récolte au moment des semailles pour un montant fixé par contrat : il peut rater un petit bénéfice si le prix des céréales augmente, mais s'assure un revenu si sa récolte est mauvaise. Le risque est transféré sur celui qui a acheté la récolte.

De tels produits existaient déjà en Europe au moyen âge, dans les foires, sous le nom de « lettres de faire », au 17ème siècle au Japon pour la récolte de riz, et depuis 1865 pour le blé à la bourse de Chicago : le but est de se protéger du risque de volatilité des prix (*).

Les problèmes surviennent quand les produits dérivés deviennent trop complexes (produits « structurés »), au point que personne ne sait plus ce qui est assuré ni le risque encouru. Tout le monde faisant mine d'oublier la simple devise : « on ne peut espérer gagner de l'argent sans prendre le risque d'en perdre ».

Le dernier chapitre, prémonitoire, s'intitule « En attendant les barbares... », et nous met en garde contre les dérives que pourrait entraîner un système financier trop complexe, mondialisé, utilisant abusivement l'effet de levier, et automatisé.

Il est regrettable que ce livre n'ait pas été lu par les traders : il date de 1998.


(*) Avec un effet exactement inverse ces dernières années, à cause des « hedge funds » ?