Mon employeur, après m’avoir vendu pendant 1 mois pour presque 2 fois ce que je lui coûte (c’est à dire plus de 3 fois mon salaire net) sur une mission totalement en dehors de mes compétences, a retrouvé mon CV.

Il y a une bonne quinzaine d’années, j’ai développé pendant quelques mois en ABAP, le langage de SAP.

Selon les dires de mon manager à l’universelle incompétence technique : « c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas ».

Je ne sais pas si vous voyez le niveau de mépris pour la technique - et ceux qui en font - de ce guignol.

D’abord parce que je n’ai pas fait de vélo depuis plus de 30 ans, mais surtout parce qu’un environnement comme SAP et son langage, ça s’oublie d’autant mieux que je n’en ai jamais été un spécialiste.

Mais le pantin qui fera son chiffre sur mon dos s’en fout, d’autant plus que lors de mon prochain entretien annuel, il m’expliquera que cette mission technique de débutant ne m’ayant rien apporté, je n’aurai pas d’augmentation.

Pas de panique toutefois : plus de 25 ans d’expérience m’ont appris que ce n’est pas au travail que le cerveau s’use sur des problèmes ardus, et que google est l’ami du développeur.

De toutes façons, étant payé pour faire 37h30 par semaine, il est hors de question que j’en fasse plus.

Une nouvelle mission signifie souvent renoncer à ce qui m’aurait intéressé et remplir les poches d’un commercial qui me place sur une mission sans autre intérêt que la marge qu’il fera.

C’est encore le cas cette fois-ci, avec une nouveauté : le client ayant demandé un chef de projet sur un domaine très spécifique, je suis instantanément devenu « chef de projet ».

J’ai informé ma hiérarchie que je ne suis absolument pas chef de projet, mon salaire, tout comme mon absence de l’organigramme en sont la preuve, mais il a été décidé que je le serai pour cette mission.

Ca ne changera rien à mon salaire ni à mon travail qui, au final, n’est à nouveau qu’une mission de technicien de base devant exécuter avec attention des centaines de « fiches de test ».

J’ai lu dans la presse que le gouvernement promet de « donner un 13ème mois aux français ».

Me concernant, je serai déjà ravi que me soit rendu mon douzième mois, disparu avec la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, l’imposition de la part de mutuelle payée par l’employeur et l’augmentation de l’impôt sur le revenu.

Avec cette annonce, j’ai bon espoir.

Cette fois, la boucle est bouclée : non seulement la mission sur laquelle je suis vendu ne m’apportera rien et ne sera qu’un accident de plus sur mon CV, mais surtout, elle correspond très exactement au niveau de compétence que demandait mon premier stage en IUT en 1990.

Pour ceux qui pensent que le COBOL n’est plus utilisé ou est au musée : rassurez-vous, la plupart de vos opérations bancaires sont traitées à un moment ou un autre par un programme dans ce langage, lui même lancé par un JCL (aussi ancien que la COBOL) ou dans un CICS (bien plus récent : 1ère version en 1968).

Et oui, il y a encore des applications à maintenir ou à développer dans ce langage créé en 1959.

Comme les jeunes n’ont pas envie de s’investir sur cette technologie assez peu porteuse pour leur avenir, il faut faire appel à des presque quinquas, même s’ils n’ont pas écrit un programme dans ce langage depuis longtemps (presque 20 ans en ce qui me concerne).

Il serait malvenu de refuser une mission si engageante : la nouvelle direction locale de ma société a déjà commencé son grand ménage.

Celui-ci consiste pour l’essentiel à faire baisser les moyennes d’âge et de salaire, avec des méthodes parfaitement illégales mais à l’efficacité prouvée : « tu me signes cette rupture conventionnelle, sinon je te colle une faute grave et tu es viré ».

La faute en question n’existe pas, mais ça prendra des années aux prud’hommes pour obtenir gain de cause.  Que choisiriez-vous ?

Je vais donc consciencieusement m’ennuyer les prochains mois : ce n’est pas trop grave, c’est près de chez moi.