Jamais à cours d’idées, mon employeur m’a présenté une « opportunité ». 

Quand il utilise ce mot, c’est pour dire que c’est une opportunité pour le commercial de faire une belle marge sur mon dos.

La mission en question était aux antipodes de mes attentes, de mes compétences, et de de mon lieu de résidence.

Il s’agissait de faire du support téléphonique pour des utilisateurs, donc un poste de débutant en centre d’appel, après plus de 20 ans d’expérience, il fallait oser.

Cette mission m’aurait contraint à passer 2h par jour, au minimum, dans les bouchons.

Ca fait beaucoup pour aller faire un travail que je n’ai pas envie de faire sur des technologies que je ne connais pas.

Cerise sur le gâteau, ça devait durer des années.

J’ai donc tenté d’argumenter auprès de mon cher commercial, en lui expliquant que je ne tiendrai pas plusieurs mois compte tenu des contraintes du poste, tout en essayant de lui faire comprendre (mais il ne comprend que la marge et son pourcentage) qu’un poste de débutant ne me convient pas.

J’ai conclu par la phrase fétiche des managers à cours d’argument que j’ai pour une fois utilisée à mon profit : « vous prenez vos responsabilités ».

Ils les ont prises, et ont miraculeusement trouvé quelqu’un de plus approprié.

Lorsque je leur avais demandé ce qui dans les 25 ans de mon CV leur faisait penser que j’étais le plus à même de faire du support téléphonique, ils s’étaient énervés, me demandant qui je voyais d’autre…En fait, je voyais n’importe qui à part moi.


Il reste que se voir constamment rabaissé par des commerciaux aussi avides qu’incompétents (sinon ils trouveraient des missions adaptées) est épuisant, on ne s’y habitue jamais.

Le titre n’est pas de moi, c’est celui d’un article très pertinent dont je vous conseille la lecture, en voici un extrait : 

« En fait, nous sommes devant les enfants de la nouvelle idéologie pédagogique qui dévalorise le savoir et la culture­­.
Ils ne s’inclinent pas devant la culture, ils n’ont pas honte d’échouer, ils n’ont pas honte non plus de leur inculture, ils se victimisent et considèrent désormais que c’est un droit fondamental d’avoir des examens adaptés à leur ignorance. »



Les années passent, mon salaire reste, les charges et impôts augmentent.

Il me semblait depuis quelques années que les fins de mois étaient de plus en plus justes.

Il y a heureusement un site pour vérifier ce constat : l’observatoire des inégalités (http://www.inegalites.fr/) , qui classe la population par niveau de vie et composition du foyer.

D’après leurs chiffres, je suis dans le haut de la tranche basse, mon foyer fait donc partie des plus riches des pauvres.


J’ai néanmoins un avantage sur la majorité des salariés : ma prochaine augmentation, après que mon cher employeur m’aura enfin viré, me sera offerte par le pôle emploi, et sera de -40%.

Le futur est plein de promesses.

Subitement très concerné par mon avenir, mon cher employeur m’a trouvé une mission. 

C’est précisément la mission sur laquelle j’ai fait un très beau burnout il y a 3 ans.

Il m’avait été promis, juré, que jamais je ne retournerai chez ce client où les managers ont de parfaits profils de psychopathes, où la pression est insupportable, où les locaux dédiés aux prestataires sont éloignés de tout, en très mauvais état, et aussi sales que malodorants.

Mais je vais devoir y retourner quand même, pour 3 mois m’a-t-on dit. 

C’est sur l’ordre de mission que j’ai pu voir que les 3 mois en font 5 dans un premier temps, avec une prolongation tacite…


L’honnêteté des mes managers me fascine, ainsi que leur capacité à renier tout ce qui peut ressembler à un semblant d’éthique ou de respect, cette facilité à traiter les gens comme du mobilier jetable.