Une nouvelle mission signifie souvent renoncer à ce qui m’aurait intéressé et remplir les poches d’un commercial qui me place sur une mission sans autre intérêt que la marge qu’il fera.

C’est encore le cas cette fois-ci, avec une nouveauté : le client ayant demandé un chef de projet sur un domaine très spécifique, je suis instantanément devenu « chef de projet ».

J’ai informé ma hiérarchie que je ne suis absolument pas chef de projet, mon salaire, tout comme mon absence de l’organigramme en sont la preuve, mais il a été décidé que je le serai pour cette mission.

Ca ne changera rien à mon salaire ni à mon travail qui, au final, n’est à nouveau qu’une mission de technicien de base devant exécuter avec attention des centaines de « fiches de test ».

J’ai lu dans la presse que le gouvernement promet de « donner un 13ème mois aux français ».

Me concernant, je serai déjà ravi que me soit rendu mon douzième mois, disparu avec la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, l’imposition de la part de mutuelle payée par l’employeur et l’augmentation de l’impôt sur le revenu.

Avec cette annonce, j’ai bon espoir.

Cette fois, la boucle est bouclée : non seulement la mission sur laquelle je suis vendu ne m’apportera rien et ne sera qu’un accident de plus sur mon CV, mais surtout, elle correspond très exactement au niveau de compétence que demandait mon premier stage en IUT en 1990.

Pour ceux qui pensent que le COBOL n’est plus utilisé ou est au musée : rassurez-vous, la plupart de vos opérations bancaires sont traitées à un moment ou un autre par un programme dans ce langage, lui même lancé par un JCL (aussi ancien que la COBOL) ou dans un CICS (bien plus récent : 1ère version en 1968).

Et oui, il y a encore des applications à maintenir ou à développer dans ce langage créé en 1959.

Comme les jeunes n’ont pas envie de s’investir sur cette technologie assez peu porteuse pour leur avenir, il faut faire appel à des presque quinquas, même s’ils n’ont pas écrit un programme dans ce langage depuis longtemps (presque 20 ans en ce qui me concerne).

Il serait malvenu de refuser une mission si engageante : la nouvelle direction locale de ma société a déjà commencé son grand ménage.

Celui-ci consiste pour l’essentiel à faire baisser les moyennes d’âge et de salaire, avec des méthodes parfaitement illégales mais à l’efficacité prouvée : « tu me signes cette rupture conventionnelle, sinon je te colle une faute grave et tu es viré ».

La faute en question n’existe pas, mais ça prendra des années aux prud’hommes pour obtenir gain de cause.  Que choisiriez-vous ?

Je vais donc consciencieusement m’ennuyer les prochains mois : ce n’est pas trop grave, c’est près de chez moi.


J’ai souhaité commenter cette chronique sur le site de France Inter :

https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-charline-vanhoenacker/le-billet-de-charline-vanhoenacker-12-avril-2017

Comme ce n’est pas possible, je dois le faire ici.

Cette chronique traitait  du CDI intérimaire qui serait une nouvelle forme « d’uberisation ».

C’est pourtant très exactement la situation dans laquelle se trouvent déjà les prestataires de service en général, et ceux de l’informatique en particulier.

Une différence néanmoins : ces CDI intérimaires proposeraient des missions à 50 km maximum du domicile.

Pas dans les ESN : la mobilité qui y est demandé couvre en général la métropole, parfois même « tous les sites sur lesquels l’entreprise a une activité ».

Il y est aussi question de passer d’un emploi à l’autre (de la compta à l’intendance dans la chronique), c’est moins pire dans les ESN, au détail près que des ingénieurs sont embauchés pour des postes sur lesquels un technicien débutant s’endormirait d’ennui.

Une remarque très bien vue à la fin de cette chronique : « le CDI intérimaire est un hybride, comme une voiture hybride, ça fait pas de bruit quand ça t’écrase ».