Le désormais aussi célèbre qu'obsolète slogan m'est revenu à l'esprit quand j'ai reçu un mail du pôle-emploi.

Ayant très temporairement retrouvé un emploi, j'ai actualisé ma situation en précisant la date de début et le nombre d'heures travaillées sur le mois de novembre.

Le résultat de mon honnêteté m'inciterait presque à passer du côté obscur de la fraude : le fait d'avoir travaillé 8 jours sur le mois de novembre me fait, semble-t-il, perdre mes droits à toute allocation sur ce même mois.

Avoir travaillé en novembre m'a fait perdre 600 euros.

Si j'aurai su, j'aurai pas travaillu.

Ma naïveté me perdra, je le sais, cette habitude saugrenue qui consiste à faire confiance à des gens dans le monde professionnel, précisément parce qu'ils sont supposés être professionnels.

Je devrais le savoir : il ne faut jamais faire confiance, à personne.

Tout a commencé par un banal entretien : ce qui m'a mis la puce à l'oreille, c'est le ton mielleux sur la fin de l'entrevue, façon « maintenant que le contrat est quasiment signé, on peut se tutoyer ». Cette formule est la préférée des commerciaux en goguette après avoir arnaqué le candidat.

Sauf que le contrat...Ben...Il n'est pas près d'être signé dans les termes qui me sont proposés.

Ils ont ressorti des oubliettes une habitude qui consiste à mélanger salaire brut, indemnités de déplacement et de repas, primes hypothétiques, intéressement, etc.

Le résultat qui apparaît alors est flatteur et bien supérieur au salaire réel qui sera perçu.

Cette astuce fonctionne bien par téléphone, puisqu'il n'est pas toujours aisé de vérifier les chiffres. Par contre, dès que le contrat arrive, l'énormité de l'arnaque saute aux yeux.

En l'espèce, il s'agissait (autant en parler au passé vu le mail que je leur ai envoyé) de me sous-traiter auprès d'un client dont le salaire minimum d'embauche est celui qui m'est proposé.

Le prix de mes années d'expérience est donc de 0 centime et 0 euro.

Par contre, comme je suis vendu sur la base de mon expérience, la marge du commercial, qui sur ce contrat n'a absolument rien eu à faire, est ENORME.

C'est pourquoi il sera de très mauvaise humeur après avoir lu mon mail, je pense même qu'il ira jusqu'à la menace « on va vous griller sur le marché », les plus minables le font souvent.

Il est hors de question, du moins tant que je ne suis pas physiquement menacé (1), d'accepter de travailler pour le salaire d'un débutant tout juste sorti de l'école.

(1) C'est à dire : revolver sur la tempe, ou plus probablement, suppression des allocations.

Ils sont vraiment tous aux fraises, en ce moment, dans les cabinets de recrutement.

Des baffes se perdent, et en quantité.

Leur racolage du jour porte sur des profils « Java/J2EE », pour lequel mon CV aurait retenu « toute leur attention ».

Peut-être ont-ils abusé de substances illicites, ce qui me semble le minimum pour aller s'imaginer que je possède un atome de compétence dans ce domaine après voir lu mon CV.

Mais rien ne les arrête, les mails ne coûtent pas assez cher : il faudrait les taxer (ce qui pourrait arriver avec un des prochains plans de rigueur).

Dans la plus pure tradition des incapables qui se disent en quête de candidats, ils demandent mon CV, alors qu'ils l'ont déjà, puisqu'ils l'ont « sélectionné ». Cherchez l'erreur.

Il faut même, luxe suprême, certainement du à la pénurie, que je leur précise pour quelles entreprises je veux travailler, et de quelle façon, selon des modalités dont les nuances m'échappent : soit y être « positionné », soit y être « intégré » (si un lecteur sait de quoi il s'agit, merci de me le dire).

Suite à ces informations, que je ne leur donnerai évidemment pas, ils sont supposés « revenir vers moi », comme on dit dans les cabinets, afin de « valider ces points ».

Dommage qu'ils soient si loin, j'aurai bien aimé valider avec eux quelques poings...

Et s'ils allaient tous se faire voir, au hasard, chez les grecs, tous ces ânes ?

Qu'ils le sachent : je ne postule que pour des missions d'intérim : c'est beaucoup plus transparent, et beaucoup plus avantageux.

Malheureusement, la crise aidant, les missions y sont aussi de plus en plus rares.

Pas possible ! Mais c'est tous les ans alors ? Le 13 novembre, journée de la gentillesse ?

Désolé, je n'ai plus la force d'être gentil, ne serait-ce qu'un jour par an : assez d'avoir été un gentil employé, qui a fait gentiment son travail, en respectant ses gentils collègues, en suivant les règles du jeu, pour finalement se retrouver gentiment au chômage de longue durée.

C'est bien beau comme concept, bien dégoulinant de bien-pensance, tellement dans l'air du temps des zinzindignés.

Pour beaucoup d'adeptes de cette journée, c'est un moyen facile de légitimer à bon compte le fait de se comporter comme le dernier des salauds 364 jours par an, et même 365 les années de jeux olympiques.

J'en ai assez de ces donneurs de leçons, mais je vais leur donner un bon conseil à tous : vous devriez vous mettre en contact avec la SNFCP (http://www.snfcp.org/), brillante société savante qui organise les journées de la proctologie, et ça tombe bien, c'est en novembre aussi.

En réunissant vos journées, vous saurez où, et comment vous les ranger sans risque, ces valeurs que tant prônent et que si peu respectent.