Depuis peu mon domicile héberge un chaton.

L’observation attentive de cet animal m’a immédiatement fait penser à un mauvais manager (et j’en ai vu beaucoup) :

    -    Il dort l’essentiel de son temps, mais ses quelques heures d’activité suffisent à vous épuiser tellement il vous sollicite

    -    Il la joue « patte de velours » mais vous lacère sans préavis

    -    Il ne répond jamais quand on l’appelle, mais hurle à la mort s’il a besoin de vous

    -    Il se prend pour un prédateur, mais pleurniche si tout ne lui est pas servi sur un plateau

    -    Comble du carriérisme : même tout seul, il essaye de se lécher le cul


Je verrai si en devenant adulte le chaton devient un meilleur manager

En France l’état se mêle de tout, c’est pour ça qu’il occupe autant de monde.

Il s’occupe même de taille de la police de caractère qui sera sur les bulletins de paye en janvier prochain.

Puisque le prélèvement à la source va faire baisser le net à payer, nos brillants dirigeants ont imaginé une astuce en adaptant le code du travail :

« Pour la composition de la mention “Net à payer avant impôt sur le revenu” et de la valeur correspondant à cette mention, il est utilisé un corps de caractère dont le nombre de points est au moins égal à une fois et demi le nombre de points du corps de caractère utilisé pour la composition des intitulés des autres lignes. » (1)

Ce tour de passe-passe a pour but de mieux faire passer la baisse du net perçu par les 17 millions de foyers soumis à l’impôt sur le revenu.

Personnellement, j’ai plus que jamais l’impression d’être pris pour un con, je suis heureusement vacciné par mon employeur (et j'ai régulièrement des rappels).

Cette mesure est d’ailleurs une demie-mesure : quitte à afficher un montant virtuel qui ne sera pas versé, pourquoi ne pas avoir affiché 1 million d’euros pour tout le monde ?


   (1)    extrait du journal officiel : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2018/5/9/CPAS1812606A/jo/texte



Me promenant dans une foire de printemps, j’ai été interpellé par un camelot me promettant « une toiture achetée, une toiture offerte ! » .

Comme il m’a vu sourire, il a pensé m’avoir intéressé : « ah, voyez ! Ça vous parle ! ».

Je lui ai précisé qu’étant locataire, je devais décliner son offre.

Je l’aurai déclinée de toutes façons : pas besoin d’être expert comptable pour savoir que si la deuxième est gratuite, c’est que la première est vendue plus de deux fois son prix.

Il avait l’air content, tout le monde ne sait pas compter.

La nouvelle est tombée vendredi dernier, le sous-fifre devant me l’annoncer n’ayant pas le courage de le faire, il a envoyé un sous-sous-fifre.

La voici : pour la 7ème année consécutive et malgré de forts bons retours sur les missions que j’effectue, mon augmentation de salaire sera de 0% (zéro pour cent, que dalle, peanuts, nib, nada, voyez ?).

Pourtant, des collègues qui font le même travail que moi, mais qui ont 10 ans de moins, gagnent plus.

Dans le même temps mes chers leaders servent à qui veut l’entendre des « on a du mal à recruter ».

Sachez que les « difficultés de recrutement dans l’informatique », ce n’est pas une news, ce n’est pas non plus une fake-news, mais bien une défèque-news.

Comme son nom l’indique, cette dernière est généralement émise par un trou-du-cul.


Mon employeur, après m’avoir vendu pendant 1 mois pour presque 2 fois ce que je lui coûte (c’est à dire plus de 3 fois mon salaire net) sur une mission totalement en dehors de mes compétences, a retrouvé mon CV.

Il y a une bonne quinzaine d’années, j’ai développé pendant quelques mois en ABAP, le langage de SAP.

Selon les dires de mon manager à l’universelle incompétence technique : « c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas ».

Je ne sais pas si vous voyez le niveau de mépris pour la technique - et ceux qui en font - de ce guignol.

D’abord parce que je n’ai pas fait de vélo depuis plus de 30 ans, mais surtout parce qu’un environnement comme SAP et son langage, ça s’oublie d’autant mieux que je n’en ai jamais été un spécialiste.

Mais le pantin qui fera son chiffre sur mon dos s’en fout, d’autant plus que lors de mon prochain entretien annuel, il m’expliquera que cette mission technique de débutant ne m’ayant rien apporté, je n’aurai pas d’augmentation.

Pas de panique toutefois : plus de 25 ans d’expérience m’ont appris que ce n’est pas au travail que le cerveau s’use sur des problèmes ardus, et que google est l’ami du développeur.

De toutes façons, étant payé pour faire 37h30 par semaine, il est hors de question que j’en fasse plus.

Une nouvelle mission signifie souvent renoncer à ce qui m’aurait intéressé et remplir les poches d’un commercial qui me place sur une mission sans autre intérêt que la marge qu’il fera.

C’est encore le cas cette fois-ci, avec une nouveauté : le client ayant demandé un chef de projet sur un domaine très spécifique, je suis instantanément devenu « chef de projet ».

J’ai informé ma hiérarchie que je ne suis absolument pas chef de projet, mon salaire, tout comme mon absence de l’organigramme en sont la preuve, mais il a été décidé que je le serai pour cette mission.

Ca ne changera rien à mon salaire ni à mon travail qui, au final, n’est à nouveau qu’une mission de technicien de base devant exécuter avec attention des centaines de « fiches de test ».

J’ai lu dans la presse que le gouvernement promet de « donner un 13ème mois aux français ».

Me concernant, je serai déjà ravi que me soit rendu mon douzième mois, disparu avec la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, l’imposition de la part de mutuelle payée par l’employeur et l’augmentation de l’impôt sur le revenu.

Avec cette annonce, j’ai bon espoir.

Cette fois, la boucle est bouclée : non seulement la mission sur laquelle je suis vendu ne m’apportera rien et ne sera qu’un accident de plus sur mon CV, mais surtout, elle correspond très exactement au niveau de compétence que demandait mon premier stage en IUT en 1990.

Pour ceux qui pensent que le COBOL n’est plus utilisé ou est au musée : rassurez-vous, la plupart de vos opérations bancaires sont traitées à un moment ou un autre par un programme dans ce langage, lui même lancé par un JCL (aussi ancien que la COBOL) ou dans un CICS (bien plus récent : 1ère version en 1968).

Et oui, il y a encore des applications à maintenir ou à développer dans ce langage créé en 1959.

Comme les jeunes n’ont pas envie de s’investir sur cette technologie assez peu porteuse pour leur avenir, il faut faire appel à des presque quinquas, même s’ils n’ont pas écrit un programme dans ce langage depuis longtemps (presque 20 ans en ce qui me concerne).

Il serait malvenu de refuser une mission si engageante : la nouvelle direction locale de ma société a déjà commencé son grand ménage.

Celui-ci consiste pour l’essentiel à faire baisser les moyennes d’âge et de salaire, avec des méthodes parfaitement illégales mais à l’efficacité prouvée : « tu me signes cette rupture conventionnelle, sinon je te colle une faute grave et tu es viré ».

La faute en question n’existe pas, mais ça prendra des années aux prud’hommes pour obtenir gain de cause.  Que choisiriez-vous ?

Je vais donc consciencieusement m’ennuyer les prochains mois : ce n’est pas trop grave, c’est près de chez moi.


J’ai souhaité commenter cette chronique sur le site de France Inter :

https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-charline-vanhoenacker/le-billet-de-charline-vanhoenacker-12-avril-2017

Comme ce n’est pas possible, je dois le faire ici.

Cette chronique traitait  du CDI intérimaire qui serait une nouvelle forme « d’uberisation ».

C’est pourtant très exactement la situation dans laquelle se trouvent déjà les prestataires de service en général, et ceux de l’informatique en particulier.

Une différence néanmoins : ces CDI intérimaires proposeraient des missions à 50 km maximum du domicile.

Pas dans les ESN : la mobilité qui y est demandé couvre en général la métropole, parfois même « tous les sites sur lesquels l’entreprise a une activité ».

Il y est aussi question de passer d’un emploi à l’autre (de la compta à l’intendance dans la chronique), c’est moins pire dans les ESN, au détail près que des ingénieurs sont embauchés pour des postes sur lesquels un technicien débutant s’endormirait d’ennui.

Une remarque très bien vue à la fin de cette chronique : « le CDI intérimaire est un hybride, comme une voiture hybride, ça fait pas de bruit quand ça t’écrase ».


« Vous êtes fou d’avaler ça » de Christophe Brusset, ingénieur devenu dirigeant au sein de groupes agro-alimentaires internationaux.

Si les médias se font régulièrement l’écho de scandales alimentaires, ce livre en est une compilation, et surtout, présente les méthodes parfois délirantes utilisées en (presque) toute légalité par les industriels, dans le but unique d’augmenter leur marge en baissant les coûts d’approvisionnement et de fabrication.

Dès les premières pages, une des explications apparaît : « une manière subtile d’interpréter une législation floue, élaborée par des technocrates incompétents sous la pression de lobbyistes de l‘industrie et de la grande distribution. »

Cette législation permet par exemple d’intégrer aux produits des « additifs » sans les mentionner : il s’agit des « auxiliaires technologiques » (1), dont la seule différence avec les additifs, outre leur absence sur l’étiquette, est leur dosage.

Parmi les produits cités en exemple, le poivre : moulu, il est curieusement moins cher au kilo, alors qu’il nécessite un traitement supplémentaire, une partie de la recette de ce miracle est page 154.

Un ingrédient presque omniprésent dans la nourriture industrielle est le fructose, qui favorise la production de ghréline…Hormone qui stimule l’appétit.


Le dernier chapitre est un guide de survie en magasin. Il est détaillé, mais les grandes lignes peuvent se résumer en une phrase : acheter les produits les plus locaux et les moins transformés possibles.

Et bon appétit bien sûr.

(1) : https://www.anses.fr/fr/content/les-auxiliaires-technologiques

C’est arrivé pas plus tard que l’autre soir.

J’étais convié, comme tous les autres employés, à une soirée de présentation de début d’année comme beaucoup d’ESN en font.

Et maintenant, je comprends ce que ressent David Vincent dans « les envahisseurs » : je me sentais comme lui au milieu d’une assemblée de quelques centaines d’incrédules que je ne pourrai jamais convaincre.

Ce type de réunion donne en général lieu à de grandes envolées sur les « valeurs » de la société, ses offres, et l’avenir radieux qui nous attend : cette fois encore, je n’ai pas été déçu.

Lors de la prise de parole d’un cadre de plan national venu voir ses ouailles de province, nous avons eu droit à de la langue de bois, ponctuée de « digital » pour faire bien plutôt que de « numérique », et la répétition des poncifs habituels de la profession.

Il a tout d’abord parlé de l’importance du « capital humain » de l’entreprise. Dans une ESN ? Sans rire ? Le seul capital est le capital, et les quelques cadres et commerciaux qui en profitent. (1)

Oser parler de capital humain quand le turn-over moyen de la profession dépasse les 20% (2), il ne faut vraiment pas manquer d’aplomb, ou bien prendre son auditoire pour une troupeau d’aliénés (un peu des deux je pense).

Il a ensuite, vous l’aviez deviné, parlé des difficultés de recrutement : comment se fait-il qu’il soit si difficile de recruter ?

C’est prendre le problème à l’envers : il faudrait d’abord se demander pourquoi les gens partent.

Il n’y aurait plus alors qu’à recruter pour augmenter l’effectif, pas pour le conserver.

Dans mon entreprise, je fais partie des chanceux, il n’y a que 7 ans que j’ai le même salaire, et pour certains, c’est plus de 10 ans, si bien que les salaires des « séniors » sont sensiblement les mêmes que ceux des « 3 à 5 ans d’expérience ».

Ce qui  est présenté comme une politique RH consiste à attendre que les vieux partent (et ils le font de moins en moins, alors on les aide un peu) et à embaucher des jeunes en leur promettant la lune.

Après 2 ou 3 ans, les jeunes vont voir ailleurs pour une augmentation, et vérifier que les autres promettent les mêmes évolutions illusoires.

Il faut donc recruter toute l’année : les ESN recrutent, en moyenne, l’équivalent de 20% de leur effectif tous les ans, et ce, alors que ce dernier évolue peu.

Pour pallier ce problème de recrutement, la cooptation nous a été vantée : mais comment présenter les qualités d’une entreprise qui me vend au plus offrant pour des compétences que je n’ai généralement pas ? Qui en fin de mission se félicite de m’avoir fait réussir, dans le meilleur des cas, et m’accable s’il y a eu un problème ? Qui trouve toujours un prétexte pour refuser une augmentation ? (3)

Il a été aussi question de la marge qu’il faut absolument augmenter, alors qu’elle est déjà juteuse : j’ai failli partir quand le pantin qui annonçait ça nous a expliqué que c’est pour « investir ». 

Investir dans quoi ? Une société qui ne fabrique rien, n’augmente ni ne forme ses salariés, ne leur reverse quasiment pas de participation ou d’intéressement, utilise du matériel obsolète (le PC « portable » qui m’a été attribué date de 2011, comme le téléphone portable qui va avec et que je partage avec un collègue) : son seul investissement est la rémunération des nouveaux et très gourmands actionnaires.

Bien entendu, durant cette mascarade, chacune des prises de paroles donnait lieu à des applaudissements nourris.

Le plus affligeant est de voir tous ces gens si imbus de leurs importance, et de cet auditoire aussi attentif que crédule.


Finalement, rien de neuf, mais je m’épargnerai ce supplice l’année prochaine.



(1) N’oublions pas que dans les ESN, il est exceptionnel que l’intéressement et la participation représentent plus qu’un repas dans un fast-food : environ 1% du bénéfice généré par les salariés leur est reversé dans l’ESN qui m’emploie.

(2) Aucune entreprise « normale » ne pourrait se le permettre sans se mettre en péril, mais dans ce métier où on ne fait que louer au plus offrant, c’est la norme.

(3) Un classique de l’entretien annuel : si l’année a été bonne, ne nous emballons pas : pas d’augmentation. Si l’année a été mauvaise, impossible de justifier une augmentation.

Le projet sur lequel je travaille en temps que grouillot de base spécialiste des technologies des années 60 (1) est en retard.

La raison principale est que ce très long (plus de 2 ans) projet est très technique, et personne parmi les gestionnaires du projet n'a un profil technique.

Quand je suis arrivé il y a quelques mois,, il y avait 4 personnes pour gérer, et 2 "ressources off-shore" (2) pour faire le travail, alors que le peu de documentation du logiciel est en français.

Depuis, nous sommes 2 ou 3, en France, selon les jours.

Comme le projet a évidemment sérieusement dérapé, il devient impossible de réaliser des tâches parce qu'elles ne sont pas réalisables en parallèle, et personne n'avait prévu qu'elles pourraient entrer en collision suite à divers délais, c'est la panique, et les retards s'accumulent.

Pour résoudre ce problème, lié à l'incompétence technique de ceux qui ont planifié le projet, la solution classique est employée : faire des lampistes les responsables de tous les maux de la terre, et viser en priorités dernières recrues.

C'est arrivé aujourd'hui : moi et un collègue avons été désignés comme ceux à qui on ne peut pas faire confiance, et comme des personnes qui ne donnent pas de visibilité sur leur activité, en gros des incapables ingérables.

Ces compliments ont été proférés durant un "meeting" de haut niveau, en notre absence, mais nos noms ont été donnés en pâture au donneur d'ordre final.

Il est fort probable que ce dernier sera dupe, ou fera semblant de l'être, puisqu'il doit aussi justifier de son retard, ou du moins désigner des coupables, ce qui soulagera tout le monde.

La morale de cette histoire est qu'il vaut mieux être chef de projet sans rien comprendre de ce qui se fait, plutôt que technicien qui maîtrise son sujet.

Je devrais très rapidement avoir des nouvelles de mon cher employeur : le connaissant, il est possible que ce soit effectivement de ma faute, et que je doive payer au prix fort le désastre qui m'est imputé. 

Heureusement, la peine de mort abolie, le pôle emploi est ouvert, et c'est bientôt noël.

(1) Si, si, le Cobol et le JCL existent depuis plus de 50 ans.
(2) C'est ainsi qu'ils sont désignés par les "project managers" : ce sont des indiens nouvellement formés à ces technologies ancestrales, et qui n'ont pas encore d'autonomie sur le projet.

Le qualité de l’information des journaux télévisés n’a jamais rien eu de remarquable.

Un exemple de plus hier soir, sur la 1ère chaîne (désolé, la « box » démarre toujours sur le canal 1), où un reportage sur la pénurie d’informaticiens nous a été proposé.

Le journaliste a dès le début étalé toute sa compétence en présentant le sujet, puisqu’il a parlé du manque de « programmateurs » : pour sa gouverne, les programmateurs se trouvent dans les appareils ménagers et les stations de radio.

Quelqu’un qui programme, c’est un programmeur, merci pour eux (et pour moi en ce moment).

Viennent ensuite l’inévitable quinquagénaire qui se recycle avec brio, et la non moins inévitable RH qui explique combien elle apprécie les programmeurs, et combien ils sont utiles.

Il y a aussi un chiffre : il y aurait 50 000 (oui, cinquante mille) postes ouverts par an dans le domaine.

Ce chiffre n’a aucun sens, puisqu’il représente les offres, non pas les créations de postes : le turnover de plus de 20% dans les ESN rend obligatoire un recrutement permanent pour maintenir l’effectif.

De plus, la France forme suffisamment d’étudiants aux métiers de l’informatique (1).

Quant à la prétendue pénurie , voir ici : https://munci.org/Penurie-d-informaticiens-un-mythe-planetaire

Il est aussi expliqué dans ce reportage comment apprendre ce métier, si vous aimez les maths, 3 mois suffisent : pour coder avec les pieds, c’est en effet plus que suffisant.

Il faut prévenir l’éducation nationale d’urgence et réduire drastiquement la durée des BTS et autres IUT informatiques, pour lesquels 2 ans sont nécessaires pour pour apprendre à le faire correctement  (Certes on n’y apprend pas que ça, mais de la à le faire en 3 mois…).

Ce serait si simple, mais la réalité est que programmer ne se résume pas à aligner des lignes code qui s’exécutent correctement (n’importe qui avec un minimum de logique peut le faire), c’est prendre en compte l’ensemble des contraintes d’un système d’information, savoir utiliser des bases de données, des normes, des méthodes, etc.

Et là, en 3 mois, bon courage.

Ensuite, le très attendu chapitre sur la rémunération : d’après ces brillants enquêteurs, on peut espérer, comme débutant, jusqu’à 2500 euros nets par mois.

C’est curieux, c’est sensiblement ce que je gagne avec un bac+5 et plus de 20 ans d’expérience.

Ne nous affolons pas pour autant, c’est aussi ce que gagne la majorité de mes collègues de profil similaire, il est vrai que c’est en province.

Ce qu’évite surtout de dire ce « reportage », c’est que le métier de développeur est méprisé en France, surtout dans les ESN/SSII, et c’est même un métier à fuir le plus vite possible pour espérer une évolution de salaire et de carrière. 

La France est dans ce domaine aux antipodes des pays civilisés, dans lesquels un développeur expérimenté, donc meilleur, est valorisé : il ne faut pas oublier que c’est grâce à lui que les logiciels fonctionnent.

Ailleurs un programmeur avec 20 ans d’expérience est un expert qui est respecté et bien rémunéré : comme tout expert.

Ici, un programmeur avec 20 d’expérience est un raté qui n’est pas capable de devenir chef de projets (ce qui signifie souvent « chef de feuille Excel », mais ne le répétez pas).

C’est curieux cette impression de se répéter article après article, année après année.

Mais bien entendu je m’égare, il ne s’agit là que des propos tenus par un presque quinquagénaire aigri par une carrière et une rémunération insignifiantes : allez-y tous, dans trois mois vous gagnerez plus que moi.


Un nouvelle mission, et rien ne change.

Dès mon arrivée, on m’a bien fait comprendre qu’un « technique » comme moi, avec ses mains pleines de cambouis, n’aurait jamais la considération des responsables du projet : pour eux, forcément, si j’accepte ce boulot à mon âge, c’est que je suis mentalement déficient et / ou incompétent (en fait un peu des deux, mais il ne le savent pas encore).

De plus, il y a sur ce projet une guerre entre les 2 principaux sous-traitants.

N’étant d’aucune de ces 2 sociétés, c’est sur mon dos que tout le monde tente de régler ses comptes.

Un exemple : je demande au sous-traitant N°2 des documents pour pouvoir travailler. 

Celui-ci me dit qu’il les a déjà envoyés au sous-traitant N°1, à qui je dois les demander.

Le sous-traitant N°1 répond un heure plus tard dans un mail expliquant qu’il ne les a jamais eus.

Le sous-traitant N°2 me les envoie 3 heures plus tard : une demi-journée perdue pour des problèmes d’ego.

Ca promet, d’autant que les retards accumulés sur le projet rendent impossibles de nouveaux dérapages.

A peine une mission refusée à demi-mot, une autre pointe le bout de son ennui.

Cette fois c’est encore plus misérable : grâce à une recherche par mot-clé de mes chers commerciaux dans la base des CV, une application sur laquelle j’ai travaillé quelques mois il y a plus de 20 ans ressurgit du passé.

J’en deviens immédiatement le spécialiste pour être présenté au client.

Client qui est dans les choux, et qui est en fait surtout intéressé par des compétences antédiluviennes en mainframe (1) parce que même les indiens qu’il font travailler ne s’en sortent plus.

Comme je l’ai rappelé à un commercial qui tentait (il me croit vraiment demeuré ?) de m’expliquer qu’il est difficile de trouver des compétences mainframe : nous avons tous été virés comme des vieux cons incompétents, traités comme des moins que rien, et maintenant vous venez pleurnicher parce qu’il serait difficile de recruter ?

En fait, plutôt que de payer des gens correctement en France, les SSII (je n’arrive toujours pas à dire ESN) font venir à vil prix des indiens, soit-disant pour pallier la pénurie locale.

Mais les visas ont des limites, le niveau d’anglais des français aussi, il faut donc trouver des dinosaures comme moi pour faire avancer le boulot.

Ce projet sur lequel on m’envoie a un problème simple, et récurrent en France : il y a à peu-près 3 managers (en français : remplisseur de feuilles Excel ou de présentations powerpoint) pour un technique.

Si j’avais une carrière à gérer, comme les jeunes managers qui dessinent des plannings, je n’aurais pas accepté cette mission, qui consiste à revenir au plus bas niveau d’un projet, sur des technologies obsolètes.

Heureusement je n’ai plus de carrière depuis longtemps : j’attends juste le courrier recommandé promis par ma responsable RH depuis 18 mois, je vais donc faire mes 7h30 quotidiennes et contractuelles sans trop me fatiguer.

En plus, c’est près de chez moi.

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordinateur_central , avec des technologies comme le cobol, le JCL, DB2, Vsam, CICS .

Jamais à cours d’idées, mon employeur m’a présenté une « opportunité ». 

Quand il utilise ce mot, c’est pour dire que c’est une opportunité pour le commercial de faire une belle marge sur mon dos.

La mission en question était aux antipodes de mes attentes, de mes compétences, et de de mon lieu de résidence.

Il s’agissait de faire du support téléphonique pour des utilisateurs, donc un poste de débutant en centre d’appel, après plus de 20 ans d’expérience, il fallait oser.

Cette mission m’aurait contraint à passer 2h par jour, au minimum, dans les bouchons.

Ca fait beaucoup pour aller faire un travail que je n’ai pas envie de faire sur des technologies que je ne connais pas.

Cerise sur le gâteau, ça devait durer des années.

J’ai donc tenté d’argumenter auprès de mon cher commercial, en lui expliquant que je ne tiendrai pas plusieurs mois compte tenu des contraintes du poste, tout en essayant de lui faire comprendre (mais il ne comprend que la marge et son pourcentage) qu’un poste de débutant ne me convient pas.

J’ai conclu par la phrase fétiche des managers à cours d’argument que j’ai pour une fois utilisée à mon profit : « vous prenez vos responsabilités ».

Ils les ont prises, et ont miraculeusement trouvé quelqu’un de plus approprié.

Lorsque je leur avais demandé ce qui dans les 25 ans de mon CV leur faisait penser que j’étais le plus à même de faire du support téléphonique, ils s’étaient énervés, me demandant qui je voyais d’autre…En fait, je voyais n’importe qui à part moi.


Il reste que se voir constamment rabaissé par des commerciaux aussi avides qu’incompétents (sinon ils trouveraient des missions adaptées) est épuisant, on ne s’y habitue jamais.

Le titre n’est pas de moi, c’est celui d’un article très pertinent dont je vous conseille la lecture, en voici un extrait : 

« En fait, nous sommes devant les enfants de la nouvelle idéologie pédagogique qui dévalorise le savoir et la culture­­.
Ils ne s’inclinent pas devant la culture, ils n’ont pas honte d’échouer, ils n’ont pas honte non plus de leur inculture, ils se victimisent et considèrent désormais que c’est un droit fondamental d’avoir des examens adaptés à leur ignorance. »



Les années passent, mon salaire reste, les charges et impôts augmentent.

Il me semblait depuis quelques années que les fins de mois étaient de plus en plus justes.

Il y a heureusement un site pour vérifier ce constat : l’observatoire des inégalités (http://www.inegalites.fr/) , qui classe la population par niveau de vie et composition du foyer.

D’après leurs chiffres, je suis dans le haut de la tranche basse, mon foyer fait donc partie des plus riches des pauvres.


J’ai néanmoins un avantage sur la majorité des salariés : ma prochaine augmentation, après que mon cher employeur m’aura enfin viré, me sera offerte par le pôle emploi, et sera de -40%.

Le futur est plein de promesses.

Subitement très concerné par mon avenir, mon cher employeur m’a trouvé une mission. 

C’est précisément la mission sur laquelle j’ai fait un très beau burnout il y a 3 ans.

Il m’avait été promis, juré, que jamais je ne retournerai chez ce client où les managers ont de parfaits profils de psychopathes, où la pression est insupportable, où les locaux dédiés aux prestataires sont éloignés de tout, en très mauvais état, et aussi sales que malodorants.

Mais je vais devoir y retourner quand même, pour 3 mois m’a-t-on dit. 

C’est sur l’ordre de mission que j’ai pu voir que les 3 mois en font 5 dans un premier temps, avec une prolongation tacite…


L’honnêteté des mes managers me fascine, ainsi que leur capacité à renier tout ce qui peut ressembler à un semblant d’éthique ou de respect, cette facilité à traiter les gens comme du mobilier jetable.

Une récente découverte scientifique (1)  pourrait redonner de l'espoir à de nombreuses personnes : il serait possible d’apprendre sans cerveau.

Il ne s’agit évidemment pas d’animaux ou d’êtres humains, mais d’organismes unicellulaires.

Je pense qu'il serait opportun que je transmette cette information à ma responsable RH qui m'a clairement dit que je ne peux plus rien apprendre : je ne sais toutefois pas si elle considère que mes capacités intellectuelles arrivent au niveau de celles d’un être unicellulaire.



Une étude rapportée par le Telegraph (1) montre que les personnes intelligentes sont plus facilement distraites au travail.

L’article ajoute que les travailleurs qui ont le plus de mal à se concentrer seraient  « intellectuellement supérieurs » à leurs collègues.

D’après cette publication, ce serait le grand nombre d’idées qui jaillissent dans leur cerveau qui dérange la concentration de ces génies.

Ne nous emballons pas : d’abord parce que le Telegraph est plus connu comme tabloïd que pour sa rigueur scientifique.

Mais surtout parce que je vois au moins deux autres raisons d’avoir du mal à se concentrer.

L’une est  l’absence totale d’intérêt du travail qui vous est confié, croyez-moi, ça joue vraiment beaucoup, je m’en rends compte tous les jours : merci la sous-traitance en cascade des ESN. Et pas besoin d’un cerveau de compétition.

L’autre, bien plus évidente, est le contraire de la raison invoquée : les gros abrutis aussi ont plus de mal à se concentrer que leurs collègues qui sont eux normalement équipés avec la lumière à tous les étages.

(1)    http://www.telegraph.co.uk/news/newstopics/howaboutthat/12107840/IQ-Intelligent-people-are-more-easily-distracted-at-work.html

La Fontaine présentait les fourmis comme des modèles de sérieux et des bourreaux de travail, la culture populaire a perpétué cette image.

Pourtant, une étude sur une espèce de fourmis d’Amérique du nord, réalisée pendant 2 semaines, montre qu’il n’en est rien, et que beaucoup d’entre elles ont pour spécialité de ne rien faire.

Cette étude a montré que seulement 3% des fourmis de cette espèce travaillent tout le temps.

25% ne travaillent jamais, et 72% travaillent moins de la moitié du temps.

A croire que le chômage de masse est aussi une invention de la nature.

http://news.sciencemag.org/plants-animals/2015/10/most-worker-ants-are-slackers

Les SSII ont la faculté de toujours viser plus juste en ce qui concerne la démotivation des salariés, elles en sont même devenues le modèle de référence.

J’ai passé plusieurs mois en intercontrat, et une mission m’a enfin été proposée cet été, il s’agissait d’une mission en binôme, et je devais en être le principal responsable.

Illusion : j’ai juste été présenté au client parce que plus expérimenté, pour afficher une façade technique et un niveau d’anglais potable.

Dès que le client a validé le transfert de compétences fait avec l’ancien prestataire, on m’a informé que je ne faisais plus partie du casting, que je redeviens un intercontrat, mais qu’on me ressortira du placard lors des vacances de celui qui a été désigné.

Je suis trop vieux et trop cher pour les niveaux de marge qu’il est nécessaire d’atteindre, mais assez compétent pour m’afficher devant un client et le rassurer.

Cette attitude des auto-proclamés « managers » en SSII est partout la même : en réalité, ils ne managent rien, puisqu’ils n’ont rien du pouvoir qu’ils croient posséder.

Ce sont juste des pions qui ont des indicateurs à afficher en vert sur des feuilles Excel (1) qu’ils présentent très sérieusement à des « comités de pilotage » et autres « comités de direction », dans lesquels se pavane trop souvent le gratin de l’incompétence technique et managériale, qui a néanmoins suffisamment de talent politique (et d’absence de conscience) pour être arrivé dans ces comités.

Il faut bien comprendre qu’il est usant avec le temps de devoir toujours  remettre en cause ses connaissances pour chaque nouvelle mission : oublier les noms, les fonctions, l’organisation, l’environnement technique, les métiers de chacun, les logiciels à utiliser, les procédures, et parfois, plusieurs fois par an.

Chaque entreprise a des spécificités, et tout n’est pas transposable : ce qui peut paraître intéressant à la sortie des études (quand tout est nouveau) devient un calvaire avec les années.

Le plus accablant est que ce savoir est jetable, qu’au mieux une mission durera quelques mois (1 mois ½ pour la dernière en date me concernant.), et qu’il n’y aura aucun retour sur l’investissement personnel, aucune réutilisation.

D’autant plus que l’expérience acquise n’est pas un paramètre pris en compte pour les missions futures. Le commercial et sa marge sont les seuls critères de choix, et échappent donc aux premiers concernés.

Non seulement cette succession de missions est usante, mais en plus elle ne permet pas de bâtir un parcours cohérent.

C’est d’ailleurs une des thèmes favoris des entretiens annuels, au cours desquels il est courant d’utiliser l’argument d’une mission sans intérêt, mais imposée par le management, au nom de l’esprit d’entreprise, pour refuser une augmentation ou une évolution.

J’attends maintenant d’être convoquée par les RH pour m’entendre dire que je n’ai pas été à la hauteur de la mission.

(1) Il y quelques semaines, un de ces brillants personnages s’est calé dans son fauteuil en me disant solennellement : « nous, les managers, nous avons besoin d’indicateurs ». Que feraient-ils sans Excel ?

Pas plus tard que l’autre jour, j’ai été pris d’une inextinguible nausée après avoir entendu un reportage expliquant que les séniors sans emploi peuvent se reconvertir dans l’informatique pour retrouver un travail.

Un spécialiste du secteur, encravaté comme il se doit a déclaré solennellement : « il y a 30000 postes non pourvus tous les ans dans les métiers du numérique ».

J’ai un message personnel pour cet archétype du connard imbu de sa marge sur les prestations : le chômage a progressé de 10% sur un an dans les métiers du numérique (comme je l'ai déjà dit dans un autre post), il n’y a pas, et il n’y a jamais eu, de pénurie de candidats.

Aller raconter au 20H que « le numérique » est un eldorado pour les plus de 40 ans au chômage est honteux, c’est de l’escroquerie.

Expliquer  qu’en 15 mois de formation en alternance ces chômeurs séniors se recyclent dans ce domaine porteur est de la fumisterie.

Ceux qui ont essayé de trouver une formation en alternance le savent : les entreprises rechignent à prendre des séniors, parce qu’il faut presque les payer.

Quand je pense que ma redevance finance ces foutaises télévisées, il me viendrait presque des envies de fraude.

Pour ceux que je n’arrive pas à convaincre, allez voir ce site : 

https://munci.org/Penurie-d-informaticiens-un-mythe-planetaire

Qui explique que c’est un mythe planétaire qui est en train de tomber.

La prochaine fois que vous entendrez une personne parler de "difficulté de recrutement" ou de "pénurie de main d’œuvre" dans l'informatique, veuillez s'il vous plaît lui envoyer le lien suivant :

http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-le-chomage-dans-l-informatique-en-hausse-de-9-8-en-juillet-2015-62161.html


Le chômage dans l’informatique aurait connu une hausse de 9,8% sur un an, ce qui fait beaucoup pour un secteur constamment cité comme "en tension".

Peut-être cela ne suffira-t-il pas à convaincre les plus incompétents de vos interlocuteurs, mais au moins vous aurez essayé.

L'article que je cite semble immédiatement contredit par celui-ci, publié le lendemain :

http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-apec-les-offres-d-emploi-it-en-hausse-de-9-en-juillet-62173.html

La contradiction n'est qu'apparente, les explications se trouvent en partie dans les commentaires : trop de gens formés, des salaires en berne, des RH qui recherchent des moutons à 5 pattes en solde, etc.

Bref, j'en ai assez de radoter.

« Salaires 2016 : vers des hausses... modérées » titre « la tribune ».

Me concernant, c’est depuis la signature de mon dernier contrat (dernier au sens du dernier en date, il y en aura d’autres, je ne me fais pas d’illusions), que je suis très précisément augmenté de 0% par an, ce qui est effectivement assez modéré.

Heureusement que les taxes, impôts, mutuelles et autres prélèvements ont tant baissé depuis lors que mon pouvoir d’achat s’en est trouvé boosté au point, n’en doutez pas, de mener un train de vie de nabab.

Une nouvelle annoncée l’année dernière est curieusement passée inaperçue, alors qu’elle serait de nature à changer le monde et régler tous nos problèmes de production d’énergie : rien que ça.

Il s’agit de l’annonce par Lockheed Martin de la mise sur le marché d’ici 10 ans d’un réacteur à fusion nucléaire (1).

Ce réacteur aurait une capacité de 100 mégawatts et serait suffisamment compact pour être emporté sur un camion.


Sa capacité permettrait de faire voler un avion de la taille d’un C5 Galaxy pendant un an, avec « quelques bouteilles d’hydrogène » (sans plus de détail).

Dans le même temps, le projet ITER (2) vise lui aussi à utiliser la fusion nucléaire. Il y a cependant une différence de taille : ITER n’est qu’un prototype, et nécessite  90 hectares pour la totalité de son installation.


L’exploitation ITER doit commencer  en 2020 pour une durée de 21 ans, mais il ne s’agit que d’un réacteur expérimental visant à valider sa technologie.

Conclusion : soit Lockeed Martin a fait une avancée majeure qui pourrait nous changer la vie, soit c’est juste annonce, mais pourquoi ? 


(1) http://lockheedmartin.com/us/products/compact-fusion.html
(2) https://www.iter.org/

Ce moi-ci, à la une du magazine "science et vie" : "On peut vivre sans cerveau !".

Rien de neuf sous le soleil.

Une semaine a suffi à mon employeur pour me convoquer  à nouveau.

J’étais cette fois un peu mieux préparé, mais ça reste pénible.


Il faut quand même noter à quel point la présence à mes côtés d’un délégué du personnel peut lisser le vocabulaire des RH : tout n’est plus qu’allusions et périphrases.


Finis les « tu as pensé à postuler ailleurs ? » et « on va t’envoyer sur des missions à l’autre bout du pays ».


Juste un blabla qui traîne en longueur : puisqu’il n’est plus possible de dire la vérité parce qu’il y a un témoin, on contourne, on adoucit, on édulcore, tout est dans l’euphémisme.


Le fond, lui, n’a pas changé : je suis dans la ligne de mire, et je peux me préparer à des moments pénibles.


Sans surprise, j'ai appris que ce type d'entretien se multiplie dans les SSII de la région.

L'efficacité de mon employeur est pour une fois surprenante : mon départ risque d’être précipité.

Une banale invitation à une réunion s’est transformé en une séance de chantage : on ne veut plus de toi, on va te faire une proposition, si tu n’acceptes pas, on t’enverra sur des missions à plusieurs centaines de kilomètres pour te rendre la vie impossible, et ensuite on te licenciera.

Les propos que j’évoque ont été tenus, bien entendu, dans des termes bien plus policés, mais ça ne change rien au fond.

Je dois donc m’attendre à des moments pénibles dont je ne manquerai pas de faire le compte rendu, si toutefois j’en ai l’énergie.

Finalement, j’avais bien affaire à des professionnels du licenciement.

Mon employeur est aux fraises : il y a tellement d’inter contrats que la situation devient ingérable.

A tel point que j’ai eu le déplaisir de recevoir un mail à 21h30 un vendredi, me demandant de fournir un CV à jour pour le lundi suivant…


C’est par hasard que j’ai consulté ma boîte mail professionnelle, ce qu’en général je ne fais  pas en dehors du travail : si mon employeur veut me joindre le week-end, il n’a qu’à me payer un téléphone de fonction, le PC et la connexion internet qui vont avec, ainsi que rémunérer cette astreinte.


J’ai néanmoins répondu avant le lundi (en ces temps difficiles, n’importe quel prétexte se transforme en un pas de plus vers la porte), joignant un CV à jour, et précisant que je l’avais déjà transmis il y a plusieurs semaines aux responsables commerciaux.


Admirez au passage la parfaite communication au sein de cette entreprise, de taille pourtant modeste.


Méfions-nous quand même : je pense que j’ai affaire à des professionnels.

« Ubu loi » de Philippe Sassier et Dominique Lansoy.

Nul n’est censé  ignorer la loi, mais ce principe est impossible à respecter : plus de 10000 lois, 120000 décrets, 7400 traités, 17000 textes communautaires, le tout dans 62 codes différents et leurs dizaines de milliers de pages.


« Trop de loi tue la loi » avait déclaré un ancien président, et ce livre fourmille d’exemples.

Un des premiers donnés concerne les droits des personnes handicapés : il y a tellement de textes différents que la loi qui prévoit une aide financière pour favoriser leur travail ne peut s’appliquer qu’à ceux dont le handicap est tel qu'il exclut tout travail.


Le code du travail, lui, n’en finit pas d’épaissir : de 1984 à 2004, il est passé de 1800 à 2664 pages.

Plus loin on apprend qu’en 1997, un rapport de l’IGF pointait un sureffectif global de 500000 agents dans les 3 fonctions publiques. Ce rapport précisait que les 35h devraient s’y appliquer au cas par cas, et sans création de poste : on connaît la suite.


A Bruxelles aussi, on cogite sérieusement pour nous compliquer la vie : d’après les auteurs, il s’en est fallu de peu que ne soit règlementée l’exposition au soleil. Ce qui aurait amené à interdire des métiers comme moniteur de ski ou marin-pêcheur.


D’après la cours des comptes (rapport de 2005), même la recherche pâtit de son modèle de gestion.

Ce livre date de 2007, d’autres ont été écrits avant sur le même thème, et je ne doute pas que d’autres l’ont été depuis.

Le plus paradoxal est finalement d’avoir un système législatif si compliqué dans un pays où le budget de la justice est un des plus faibles (1).

(1)    http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/evaluation/2010/2010_pays_comparables.pdf