Dans la plupart des grandes entreprises, l’accès aux locaux, et parfois à d’autres services, se fait avec un badge.

Afin de ne pas mélanger torchons et serviettes, les prestataires de service ont le plus souvent un badge de couleur différente.

Lorsque durant une mission il m’arrive de croiser un ancien collègue qui a été embauché par ce client, sa première réaction n’est pas de me saluer, mais de vérifier la couleur de mon badge, en le retournant si nécessaire.

Ce n’est qu’après qu’il prendra le temps de me dire qu’il a oublié mon nom et l’endroit où on nous avions travaillé ensemble.

Mais maintenant il sait que je ne fais pas parti des élus, et que je ne dois vraiment pas être très doué pour être encore en ESN à mon âge.

Il passe ensuite quelques minutes à m’expliquer que tout n’est pas si facile, même quand on n’est plus prestataire, qu’il y a la pression, tout ça.

Tu penses ! 30% de salaire en plus, des augmentations régulières, 2 ou 3 semaines de congés supplémentaires, la possibilité d’évoluer et même de changer de métier, et un CE généreux, quel enfer (1) ! Si c’est si difficile, les ESN recrutent, je peux coopter.

Il n’a pas le temps de m’écouter lui raconter ce que j’ai fait depuis toutes ces années, mais prend poliment, et surtout rapidement, congé, afin de ne pas trop verser dans le social ou laisser penser qu’il aurait un semblant de considération pour celui qui n’est qu’un intrus dans « son » entreprise.

C’est comme ça la vie de prestataire.



(1)    Si, si, c’est encore le cas dans beaucoup de grandes entreprises dans lesquelles j’ai été prestataire

Tous les ans, c’est le même rituel : les entretiens annuels, qui prennent des noms différents selon les entreprises, mais recouvrent la même triste réalité : faire semblant d’évaluer les employés.

Le but de ces entretiens est d’occuper les managers dispensables en leur donnant l’occasion de s’imaginer posséder un pouvoir qu’ils n’ont pas.

En effet, les décisions sont prises en haut lieu, où des idiots inutiles décident de ne pas augmenter la majorité des salariés en faisant mine de tenir compte de l’avis des idiots utiles que sont les « managers » qui font passer ces entretiens.

Bien entendu, tous les ans, le manager change afin de prétende ne rien savoir de vos activités passées ni de vos compétences ou envies d’évolution, et donc de ne pouvoir appuyer une demande d’augmentation ou de changement de statut.

Cette année, le brillant chef (ou directeur) de feuille Excel de son état, qui m’a fait passer cet inutile entretien a innové en tentant mettre un titre parlant sur mon CV.

Il ne semble pas au courant qu’après des années de missions sans lien entre elles, dans des domaines et des entreprises hétéroclites, je suis devenu si polyvalent qu’il est possible de me vendre sur n’importe quelle mission.

Enfin presque, n’étant évidemment pas « manager », je ne peux rien gérer.

Mais en fait, si, au gré des missions je suis déjà devenu chef de ceci ou administrateur de cela, mais juste le temps d’une mission, afin de faire plus de marge sur mon dos.

L’entretien s’est très bien passé : le résultat sera une année supplémentaire sans augmentation, sans formation ni perspective d’évolution.

Mais alors, pourquoi ne pas tenter ma change ailleurs ? Doit se demander le lecteur attentif (mais y en a-t-il ? (des lecteurs, pas des gens attentifs))

Simplement parce que personne ne recrute vraiment, les recrutements consistent à remplacer les départs (Le turnover moyen doit dépasser les 20%). Il est même probable que le nombre de postes créés chaque année soit inférieur au nombre de diplômés.

En plus, j’ai presque atteint l’âge fatidique d’une demi-siècle, ce qui rend tout recrutement impossible (ou presque, sur un malentendu peut-être, et encore en CDD ou intérim)

La seule parade que j’ai trouvée est de fournir à mon employeur une quantité de travail directement corrélée à ma rémunération.

Je tiens évidemment compte de l’inflation, et même du prélèvement à la source : je vous laisse imaginer ma productivité actuelle.

C’est pourtant suffisant pour que le client soit content.

Alors en attendant, j’attends.

Depuis peu mon domicile héberge un chaton.

L’observation attentive de cet animal m’a immédiatement fait penser à un mauvais manager (et j’en ai vu beaucoup) :

    -    Il dort l’essentiel de son temps, mais ses quelques heures d’activité suffisent à vous épuiser tellement il vous sollicite

    -    Il la joue « patte de velours » mais vous lacère sans préavis

    -    Il ne répond jamais quand on l’appelle, mais hurle à la mort s’il a besoin de vous

    -    Il se prend pour un prédateur, mais pleurniche si tout ne lui est pas servi sur un plateau

    -    Comble du carriérisme : même tout seul, il essaye de se lécher le cul


Je verrai si en devenant adulte le chaton devient un meilleur manager

En France l’état se mêle de tout, c’est pour ça qu’il occupe autant de monde.

Il s’occupe même de taille de la police de caractère qui sera sur les bulletins de paye en janvier prochain.

Puisque le prélèvement à la source va faire baisser le net à payer, nos brillants dirigeants ont imaginé une astuce en adaptant le code du travail :

« Pour la composition de la mention “Net à payer avant impôt sur le revenu” et de la valeur correspondant à cette mention, il est utilisé un corps de caractère dont le nombre de points est au moins égal à une fois et demi le nombre de points du corps de caractère utilisé pour la composition des intitulés des autres lignes. » (1)

Ce tour de passe-passe a pour but de mieux faire passer la baisse du net perçu par les 17 millions de foyers soumis à l’impôt sur le revenu.

Personnellement, j’ai plus que jamais l’impression d’être pris pour un con, je suis heureusement vacciné par mon employeur (et j'ai régulièrement des rappels).

Cette mesure est d’ailleurs une demie-mesure : quitte à afficher un montant virtuel qui ne sera pas versé, pourquoi ne pas avoir affiché 1 million d’euros pour tout le monde ?


   (1)    extrait du journal officiel : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2018/5/9/CPAS1812606A/jo/texte