Un seul mot a suffit, « confinement », pour semer la panique dans les chaumières.

Ruée vers les supermarchés pour faire le plein de denrée plus ou moins utiles.

Puis des millions de personnes en télétravail, et d’autres millions en chômage partiel.

Tout s’est arrêté, ou presque.

Ça m’a rappelé une phrase d’Umberto Eco, dans laquelle il dit que c’est l’industrie du superflu qui constitue l’ossature du système économique.

Tout est dit : les compagnies aériennes au bord de la faillite, des aéroports, les cinémas, salles de sport, cafés, restaurants, salles de spectacle, campings, hôtels, etc. qui ferment, et la vie continue.

Tant qu’il y a de l’électricité, de l’eau, du pétrole, des agriculteurs, et des camions pour transporter la nourriture, tout va bien.

Les « pénuries » dans les magasins m’ont rappelé des mauvaises blagues des années 80 sur les pays de l’Est :
« un sandwich , c’est un ticket de jambon entre deux tickets de pain ».
Ou encore «
- Ils sont 2 fois moins chers les oeufs dans le magasin d’en face, mais ils n’en ont plus
- Nous aussi, quand on n’en a plus, ils sont 2 fois moins cher »

Il aura suffit d’un microscopique organisme pour faire tomber les certitudes des obsédés de la croissance.

Ou plutôt faire vaciller leurs certitudes : des économistes  ou responsables politiques se répandent déjà dans les médias pour rassurer tout le monde ( et surtout se rassurer eux-mêmes), annonçant des « plans de relance » et autres milliards qui seront débloqués, histoire de repartir comme avant.

Et pour en avoir plus sur pourquoi ça ne repartira pas comme avant, c’est ici, en anglais: https://ourfiniteworld.com/2020/03/31/economies-wont-be-able-to-recover-after-shutdowns/


Et restez chez vous

Au cours de l’été 2019, 600 milliards de tonnes de glace ont fondu au Groenland (1).

Un tonne de glace donnant un mètre cube d’eau, c’est donc 600 milliards de m3  d’eau qui ont fondu.

Un milliard de m3, c’est un cube d’1 kilomètre de côté, vous voyez la taille du glaçon ?

Pour en avoir 600, c’est un bloc de 20 km sur 30 km sur 1 km d’épaisseur.

En réduisant la hauteur du glaçon, c’est comme si une couche de glace d’1,10 m avait fondu sur toute la surface de la France.

Et vu comme ça, ça fait beaucoup, et c’est arrivé en seulement 2 mois.

Heureusement, d’après Donald, ce n’est pas un problème.

(1) https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1029/2020GL087291

Près de chez moi, il y a dix ans, il y avait un champ.

Il a été remplacé par des résidences « de standing »

En anglais, « standing », ça veut dire « qui tient debout », ce qui est le minimum à demander à un immeuble d’habitation.

En français, ça veut dire : « appartement vendu au moins deux fois son prix pour que tous les intermédiaires puissent se gaver »

Il y a donc près de chez moi des logements hors de prix vendus à des zozos qui se prennent pour des investisseurs qui espèrent réduire leurs impôts, ou des naïfs qui veulent être propriétaires de leur logement pour un coût mensuel supérieur à 2 loyers.

Heureusement pour moi, je n’ai pas les moyens de payer 2 loyers, je n’ai donc pas à me soucier de la montée délirante des prix.

Les loyers, eux, ne peuvent pas suivre la même hausse, et sont d’ailleurs l’indice le plus évident la surévaluation des prix.

Voilà, c’est fait, je viens de franchir la très symbolique et fatidique cinquantaine.



Etant droitier j’ai immédiatement regardé mon poignet gauche afin d’y rechercher une preuve de réussite : mais pas de Rolex en vue, j’ai donc raté ma vie.



En plus, c’est l’entrée dans l’âge mûr, qui, comme disait Desproges, précède par définition l’âge pourri.



Ce grand âge maintenant atteint me permet de mesurer à quel point le monde a changé depuis que j’ai commencé à travailler.



De mon temps, bande de jeunes ignorants, il y avait des offres d’emploi  (1) imprimées dans des journaux spécialisés dans l’informatique.



Il fallait faire un beau CV, en noir et blanc parce les imprimantes couleurs ne couraient pas les rues, sans fioritures (de toutes façons impossibles à faire avec un PC de base qui coûtait 2 mois de salaire), et l’accompagner d’une lettre manuscrite (et souvent « obligatoirement manuscrite »).



Aujourd’hui, à en croire nos élites, c’est bien plus simple.

Il suffit de traverser la rue pour trouver un travail, puis pouvoir s’acheter un costume, et enfin traverser le hall de la gare en ayant réussi, étant autre chose que « rien ».



C’est beau le progrès.



(1) Des vraies offres, il y avait vraiment un ou plusieurs postes à pourvoir, le temps du « sourcing » pour remplir des banques de CV n’était pas arrivé, et le web non plus.