C’est un sujet très à la mode en ce moment chez les politiques, dirigeants, journalistes et doux rêveurs : l’avion vert (ou zéro carbone, ça dépend des goûts).

D’après un de ces brillants esprits (1) il sera même possible d’ici 15 ans de faire voler des avions à l’hydrogène.

Un autre, tout aussi brillant, vous le promet même d’ici 2022, mais avec un « peut-être », ce qui permet de dire n’importe quoi en pensant garder sa crédibilité (2).

Il y a juste un problème : l’expression « avion vert » ne correspond à aucune définition, aucun cahier des charges, c’est juste un slogan.

C’est pratique un slogan : facile à retenir, mais suffisamment flou pour pouvoir lui faire dire ce qu’on veut et le réinterpréter quand il sera devenu ridicule.

Si un avion vert est un avion écologique, c’est qu’il ne vole pas, ne bouge même pas.

Pour d’autres, l’avenir est l’avion à hydrogène.

Bien sûr ! Comment ne pas y avoir pensé avant, l’hydrogène est l’élément simple le plus abondant de l’univers, à un détail près : sur terre il n’existe qu’à l’état de trace, et à ce jour aucune méthode avec un rendement acceptable n’existe pour le récupérer (sans parler du stockage).

Bien sûr, tous ces guignols vont vanter l’avion « zéro émission », ce qui serait vrai, mais uniquement pendant le vol. L’énergie dépensée pour récolter et stocker l’hydrogène, avec les rendements d’aujourd’hui, sera supérieure à celle qu’aurait utilisé un avion classique.

Au fait, un moteur à hydrogène, ça existe déjà, on l’appelle Vulcain sur Ariane 5, par contre, tous les billets sont des allers simples.

Il me faut aussi évoquer une évidence : l’aviation, et surtout le transport de passagers en masse ne sert à rien. Transporter des milliers de personnes à l’autre bout du monde pour dépenser leur argent chez des plus pauvres qu’eux, quelle utilité ?

D’autant qu’il n’y a que les « riches » qui prennent en avion (4).

Sur les derniers mois, presqu’aucun avion n’a volé, et qu’est-ce qui a changé ? Rien, il faut pourtant sauver d’urgence ce secteur, au détriment d’autres beaucoup plus utiles, comme la santé ou l’agriculture.

Le lecteur pourra aussi jeter un oeil à cet article brillant de compétence (3), qui parle d’avion électrique dont les réservoirs d’hydrogène (« hautement robustes ») seraient comme ceux de la Toyota « Mia ». Visiblement le journaliste a confondu une danse marseillaise avec la Toyota Mirai.

Quand je vois le niveau de réflexion et de compétence de ceux qui nous promettent un « avion vert », je me dis qu’il n’est pas près de voler.

Et aussi que les années à venir nous rapprocheront plus du soleil vert que de l’avion vert.


(1) https://www.marianne.net/politique/extension-de-roissy-charles-de-gaulle-pollution-de-total-sur-ces-dossiers-borne-ne-se

(2) https://www.fredzone.org/les-avions-a-hydrogene-vont-peut-etre-envahir-nos-ciels-dici-2022-441

(3) https://www.bfmtv.com/economie/une-start-up-americaine-parie-sur-un-avion-propulse-a-l-hydrogene-1758339.html

(4) les 2 déciles des revenus les plus élevés représentent l’essentiel des voyageurs


France 2 a adapté ses programmes pour nous aider à rester à la maison en diffusant des films en début d’après-midi.

Ce dimanche, nous avons eu droit à une énième diffusion du Corniaud, et j’ai eu la surprise de voir ça au générique:




Les théoriciens du complot y verront la preuve que tout était préparé, et resteront des cons finis.

Les autres peuvent rester confinés.

Avant, se masquer le visage dans l’espace public était interdit et mal vu, aujourd’hui, ne pas se masquer le visage est mal vu, et peut-être bientôt interdit.

Avant, changer de trottoir pour éviter de passer près de quelqu’un était très mal venu, aujourd’hui, c’est un signe de politesse qui peut rapporter un sourire.

Avant, il il y a avait des files d’attente aux caisses des supermarchés, aujourd’hui, la file d’attente commence sur le parking du supermarché.

Avant les médias nous montraient des pays lointains en crise dans lesquels les rayons des magasins étaient vides, maintenant plus besoin d’aller au bout du monde pour trouver les mêmes images.

Avant il fallait être prudent avant de traverser la rue, maintenant on entend les voitures arriver de loin.

Avant, je sortais les mains dans les poches, maintenant, si la main dans ma poche ne trouve pas mon attestation, je rentre chez moi.

Avant tout le monde se serrait la main et se faisait des bises, ça ne se fera plus, du moins au travail, et c’est tant mieux.

Avant mon employeur refusait quasi-systématiquement le télétravail, maintenant il se réjouit que nous puissions tous le faire afin de continuer à facturer les clients, et sans avoir à nous fournir aucun équipement.

Un seul mot a suffit, « confinement », pour semer la panique dans les chaumières.

Ruée vers les supermarchés pour faire le plein de denrée plus ou moins utiles.

Puis des millions de personnes en télétravail, et d’autres millions en chômage partiel.

Tout s’est arrêté, ou presque.

Ça m’a rappelé une phrase d’Umberto Eco, dans laquelle il dit que c’est l’industrie du superflu qui constitue l’ossature du système économique.

Tout est dit : les compagnies aériennes au bord de la faillite, des aéroports, les cinémas, salles de sport, cafés, restaurants, salles de spectacle, campings, hôtels, etc. qui ferment, et la vie continue.

Tant qu’il y a de l’électricité, de l’eau, du pétrole, des agriculteurs, et des camions pour transporter la nourriture, tout va bien.

Les « pénuries » dans les magasins m’ont rappelé des mauvaises blagues des années 80 sur les pays de l’Est :
« un sandwich , c’est un ticket de jambon entre deux tickets de pain ».
Ou encore «
- Ils sont 2 fois moins chers les oeufs dans le magasin d’en face, mais ils n’en ont plus
- Nous aussi, quand on n’en a plus, ils sont 2 fois moins cher »

Il aura suffit d’un microscopique organisme pour faire tomber les certitudes des obsédés de la croissance.

Ou plutôt faire vaciller leurs certitudes : des économistes  ou responsables politiques se répandent déjà dans les médias pour rassurer tout le monde ( et surtout se rassurer eux-mêmes), annonçant des « plans de relance » et autres milliards qui seront débloqués, histoire de repartir comme avant.

Et pour en avoir plus sur pourquoi ça ne repartira pas comme avant, c’est ici, en anglais: https://ourfiniteworld.com/2020/03/31/economies-wont-be-able-to-recover-after-shutdowns/


Et restez chez vous

Au cours de l’été 2019, 600 milliards de tonnes de glace ont fondu au Groenland (1).

Un tonne de glace donnant un mètre cube d’eau, c’est donc 600 milliards de m3  d’eau qui ont fondu.

Un milliard de m3, c’est un cube d’1 kilomètre de côté, vous voyez la taille du glaçon ?

Pour en avoir 600, c’est un bloc de 20 km sur 30 km sur 1 km d’épaisseur.

En réduisant la hauteur du glaçon, c’est comme si une couche de glace d’1,10 m avait fondu sur toute la surface de la France.

Et vu comme ça, ça fait beaucoup, et c’est arrivé en seulement 2 mois.

Heureusement, d’après Donald, ce n’est pas un problème.

(1) https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1029/2020GL087291

Près de chez moi, il y a dix ans, il y avait un champ.

Il a été remplacé par des résidences « de standing »

En anglais, « standing », ça veut dire « qui tient debout », ce qui est le minimum à demander à un immeuble d’habitation.

En français, ça veut dire : « appartement vendu au moins deux fois son prix pour que tous les intermédiaires puissent se gaver »

Il y a donc près de chez moi des logements hors de prix vendus à des zozos qui se prennent pour des investisseurs qui espèrent réduire leurs impôts, ou des naïfs qui veulent être propriétaires de leur logement pour un coût mensuel supérieur à 2 loyers.

Heureusement pour moi, je n’ai pas les moyens de payer 2 loyers, je n’ai donc pas à me soucier de la montée délirante des prix.

Les loyers, eux, ne peuvent pas suivre la même hausse, et sont d’ailleurs l’indice le plus évident la surévaluation des prix.

Voilà, c’est fait, je viens de franchir la très symbolique et fatidique cinquantaine.



Etant droitier j’ai immédiatement regardé mon poignet gauche afin d’y rechercher une preuve de réussite : mais pas de Rolex en vue, j’ai donc raté ma vie.



En plus, c’est l’entrée dans l’âge mûr, qui, comme disait Desproges, précède par définition l’âge pourri.



Ce grand âge maintenant atteint me permet de mesurer à quel point le monde a changé depuis que j’ai commencé à travailler.



De mon temps, bande de jeunes ignorants, il y avait des offres d’emploi  (1) imprimées dans des journaux spécialisés dans l’informatique.



Il fallait faire un beau CV, en noir et blanc parce les imprimantes couleurs ne couraient pas les rues, sans fioritures (de toutes façons impossibles à faire avec un PC de base qui coûtait 2 mois de salaire), et l’accompagner d’une lettre manuscrite (et souvent « obligatoirement manuscrite »).



Aujourd’hui, à en croire nos élites, c’est bien plus simple.

Il suffit de traverser la rue pour trouver un travail, puis pouvoir s’acheter un costume, et enfin traverser le hall de la gare en ayant réussi, étant autre chose que « rien ».



C’est beau le progrès.



(1) Des vraies offres, il y avait vraiment un ou plusieurs postes à pourvoir, le temps du « sourcing » pour remplir des banques de CV n’était pas arrivé, et le web non plus.

Dans la plupart des grandes entreprises, l’accès aux locaux, et parfois à d’autres services, se fait avec un badge.

Afin de ne pas mélanger torchons et serviettes, les prestataires de service ont le plus souvent un badge de couleur différente.

Lorsque durant une mission il m’arrive de croiser un ancien collègue qui a été embauché par ce client, sa première réaction n’est pas de me saluer, mais de vérifier la couleur de mon badge, en le retournant si nécessaire.

Ce n’est qu’après qu’il prendra le temps de me dire qu’il a oublié mon nom et l’endroit où on nous avions travaillé ensemble.

Mais maintenant il sait que je ne fais pas parti des élus, et que je ne dois vraiment pas être très doué pour être encore en ESN à mon âge.

Il passe ensuite quelques minutes à m’expliquer que tout n’est pas si facile, même quand on n’est plus prestataire, qu’il y a la pression, tout ça.

Tu penses ! 30% de salaire en plus, des augmentations régulières, 2 ou 3 semaines de congés supplémentaires, la possibilité d’évoluer et même de changer de métier, et un CE généreux, quel enfer (1) ! Si c’est si difficile, les ESN recrutent, je peux coopter.

Il n’a pas le temps de m’écouter lui raconter ce que j’ai fait depuis toutes ces années, mais prend poliment, et surtout rapidement, congé, afin de ne pas trop verser dans le social ou laisser penser qu’il aurait un semblant de considération pour celui qui n’est qu’un intrus dans « son » entreprise.

C’est comme ça la vie de prestataire.



(1)    Si, si, c’est encore le cas dans beaucoup de grandes entreprises dans lesquelles j’ai été prestataire

Tous les ans, c’est le même rituel : les entretiens annuels, qui prennent des noms différents selon les entreprises, mais recouvrent la même triste réalité : faire semblant d’évaluer les employés.

Le but de ces entretiens est d’occuper les managers dispensables en leur donnant l’occasion de s’imaginer posséder un pouvoir qu’ils n’ont pas.

En effet, les décisions sont prises en haut lieu, où des idiots inutiles décident de ne pas augmenter la majorité des salariés en faisant mine de tenir compte de l’avis des idiots utiles que sont les « managers » qui font passer ces entretiens.

Bien entendu, tous les ans, le manager change afin de prétende ne rien savoir de vos activités passées ni de vos compétences ou envies d’évolution, et donc de ne pouvoir appuyer une demande d’augmentation ou de changement de statut.

Cette année, le brillant chef (ou directeur) de feuille Excel de son état, qui m’a fait passer cet inutile entretien a innové en tentant mettre un titre parlant sur mon CV.

Il ne semble pas au courant qu’après des années de missions sans lien entre elles, dans des domaines et des entreprises hétéroclites, je suis devenu si polyvalent qu’il est possible de me vendre sur n’importe quelle mission.

Enfin presque, n’étant évidemment pas « manager », je ne peux rien gérer.

Mais en fait, si, au gré des missions je suis déjà devenu chef de ceci ou administrateur de cela, mais juste le temps d’une mission, afin de faire plus de marge sur mon dos.

L’entretien s’est très bien passé : le résultat sera une année supplémentaire sans augmentation, sans formation ni perspective d’évolution.

Mais alors, pourquoi ne pas tenter ma change ailleurs ? Doit se demander le lecteur attentif (mais y en a-t-il ? (des lecteurs, pas des gens attentifs))

Simplement parce que personne ne recrute vraiment, les recrutements consistent à remplacer les départs (Le turnover moyen doit dépasser les 20%). Il est même probable que le nombre de postes créés chaque année soit inférieur au nombre de diplômés.

En plus, j’ai presque atteint l’âge fatidique d’une demi-siècle, ce qui rend tout recrutement impossible (ou presque, sur un malentendu peut-être, et encore en CDD ou intérim)

La seule parade que j’ai trouvée est de fournir à mon employeur une quantité de travail directement corrélée à ma rémunération.

Je tiens évidemment compte de l’inflation, et même du prélèvement à la source : je vous laisse imaginer ma productivité actuelle.

C’est pourtant suffisant pour que le client soit content.

Alors en attendant, j’attends.

Depuis peu mon domicile héberge un chaton.

L’observation attentive de cet animal m’a immédiatement fait penser à un mauvais manager (et j’en ai vu beaucoup) :

    -    Il dort l’essentiel de son temps, mais ses quelques heures d’activité suffisent à vous épuiser tellement il vous sollicite

    -    Il la joue « patte de velours » mais vous lacère sans préavis

    -    Il ne répond jamais quand on l’appelle, mais hurle à la mort s’il a besoin de vous

    -    Il se prend pour un prédateur, mais pleurniche si tout ne lui est pas servi sur un plateau

    -    Comble du carriérisme : même tout seul, il essaye de se lécher le cul


Je verrai si en devenant adulte le chaton devient un meilleur manager