Non content de remplir des comptes-rendus à ma place, le pôle emploi m'envoie aussi un courrier très épais, afin d'éviter de dépenser trop en envoyant des emails.

Il contient huit pages et trois offres d'emploi, certes dans l'informatique, mais aux antipodes de mes compétences (architecture matérielle PXI et FPGA, développement Delphi, outils GED : ça vous parle ? Rassurez-vous, à moi non plus).

L'offre la plus généreuse amputerait mon dernier salaire (qui était au prix du marché) de 25%.

Le courrier précise qu'il s'agit d'offres auxquelles « VOUS ALLEZ REPONDRE », ce qui me laisse le choix d'obéir.

C'est en majuscule, alors AU BOULOT, ET VITE : NOUS AVONS LES MOYENS DE VOUS FAIRE POSTULER !!!

Le problème est qu'il semble impossible de faire assimiler deux simples vérités à cette institution : d'une part, la plupart des emplois sont pourvus sans passer par une offre publiée, et d'autre part, passé 40 ans dans l'informatique (1), il vaudrait mieux se recycler (en passant par la case poubelle, comme avant tout recyclage), mais c'est impossible en France, pays dans lequel on ne peut faire que ce qu'on a déjà fait.

J'ai l'impression, voyant mon incapacité à faire accepter ces évidences, d'être victime du syndrome David Vincent (2) :

Les informaticiens inscrits au pôle-emploi, ces êtres étranges venus du monde des SSII.

Leur destination rêvée : l'entreprise (la vraie, pas la SSII); leur but : en faire leur univers.

Le demandeur d'emploi les a vus : pour lui, tout a commencé après une période sombre dans une entreprise qui l'a poussé à la démission, dans une SSII de campagne, à la recherche d'une carrière que jamais il ne trouva.

Cela a commencé par un poste abandonné, et par un employé resté trop longtemps sans perspectives pour poursuivre sa mission.

Cela a continué par l'apprentissage dans une formation diplômante qui l'a occupé pendant deux ans, avant de le renvoyer s'inscrire sur les listes.

Maintenant, le demandeur d'emploi sait que les informaticiens au chômage sont là, ils ont pris forme d'humains de plus de 40 ans, il sait qu'il doit convaincre un monde incrédule que le cauchemar de la vaine recherche d'emploi a déjà commencé.


(1) Je sais que je me répète, mais comment faire autrement ?
(2) « Les envahisseurs », qui se rappelle ? http://youtu.be/yj0-qBoPjlM

ILIAD l'eau dans le gaz ! Tous SEB bruits de récession, SAFRAN le roussi ! Le bout de l'EUROTUNNEL est-il après le CARREFOUR ? NIKKEI le CAC40 ?

Il faudrait lire dans le ZODIAC ou être un MANITOU.

ALTEN un peu, ESSILOR montait encore ? AXA fait peur une TELEPERFORMANCE ! Un seuil MEETIC !

Ce serait LEGRAND CASINO, les guichets pris DASSAULT, un succès TOTAL, des bénéfices HI-MEDIA. Payés RUBIS sur l'ongle, les traders BOIRON du BOURBON.
SANOFI une belle jambe !

En attendant, IMERYS l'épiderme et me font SUEZ, pas un ALSTOM de bonne foi. ESSO autres de payer ? DEXIA une crise, ICADE tout pour eux, de quoi on EULER

D'ACCOR, HAVAS écrouler encore, ça AREVA chaque fois, FAURECIA attendre.

Mais il faut VALEO boulot, attaché à THALES, ERAMET pour s'en sortir.

Gardez votre NRJ : WENDEL vos actions, allez au CLUB MED, et tenez-vous PPR.

Après avoir répondu à l'offre raisonnable pour laquelle je n'avais pas les compétences et qui proposait un salaire trop bas, j'ai quand même eu droit à une invitation pour un entretien, auquel je suis allé, n'ayant rien de mieux à faire, sinon satisfaire mon conseiller pôle -emploi par des actions « positives » de recherche.

La taille des locaux dans lesquels j'ai été reçu, qui se limitent à deux petits bureaux dans un immeuble vieillot, comme la présence de 4 ou 5 « chargés de recrutement » (1) pendus au téléphone, m'ont rassuré quant au sérieux de la société.

La présentation qui m'en a été faite par la responsable des lieux, et certainement la seule salariée, ne laisse aucune place au doute : il s'agit d'une SSII qui fait aussi dans la vente de pipeaux.

Comme à l'accoutumé, il y aurait une hypothétique mission, en parfaite adéquation avec mon CV, mais pour laquelle il va être difficile d'obtenir une réponse dans la semaine, parce que vous comprenez « en ce moment, les gens sont en vacances, d'ailleurs je pars en congés dès demain ».

En clair : déjà qu'ici nous n'arrivons pas à placer les jeunes sur des postes dignes de ce nom, n'allez-pas vous imaginer que nous en avons pour des vieux comme vous.

J'ai quand même fait ma BA en passant cet entretien : à chaque jour suffit sa peine.

(1) Des stagiaires qui passent leur journée à chercher des CV et à laisser des messages sur tous les téléphones qu'ils arrivent à joindre