Comme je l'écrivais dans un article précédent, la fin du monde devrait avoir eu lieu, ou, plus précisément, le début de la fin du monde.

Rien ne me paraît pourtant avoir changé depuis la date fatidique (hormis quelques guerres, typhons, et autres calamités humaines et climatiques : la routine).

Un détail aurait dû me mettre la puce à l'oreille : sur le site de ces délirants prophètes, et même à quelques jours de l'apocalypse attendue, il y avait un message très significatif, qui montre que la proximité de cette échéance ne leur a pas fait perdre le nord :

« Family Radio's donation server is currently undergoing security maintenance. The donation page should be back up later today, however, if you would like to make a donation via credit or debit (ATM) card now, please call 1-800-543-1495 (Ext. 376) and a representative will help to process your donation. We apologize for the inconvenience »



En résumé : « notre serveur pour les donations  étant indisponible, vous pouvez continuer de donner avec une carte de crédit ».

Business is business.

Le pôle emploi me propose de me recycler dans un domaine porteur : l'informatique.

C'est une telle pénurie dans ce domaine qu'il y a 20 (j'ai bien dit vingt) postes à pourvoir.

Les candidats sélectionnés, se verront offrir une formation de 2 mois par une entreprise qui fait des fautes sur ses pages de présentation (1), mais semble vivre confortablement en vendant  à des chômeurs des illusions de carrières dans l'informatique.

Les premiers critères de sélection sont simples : il faut avoir un bac+5 en n'importe quoi ou informatique (au choix), et être sans expérience, ou un bac+2 en informatique avec de l'expérience.

Pour les heureux et presque élus, des « tests de logique sur table » sont prévus (2). Et après, des tests « sous table » ???

Les postes qui deviendront ensuite – et éventuellement - accessibles sont ceux de « consultants développeurs SAP », soit en bon français, des « analystes programmeurs » (3).

Il y a cependant une spécificité française : ce métier est est mal vu, parce qu'il est technique. Dans d'autres contrées, plus civilisées, un programmeur expérimenté est considéré, à juste titre, comme un expert qu'il faut respecter et rémunérer en conséquence.

Ici, la technique, c'est bien évidemment pour les cons incapables d'évoluer, l'expertise technique ne vaut rien, le programmeur est dénigré, ce qui explique les délocalisations de plus en plus pressantes, et les désastres toujours plus nombreux sur les projets.

Non seulement la technique est dénigrée, mais il est courant de placer un débutant à la tête d'un projet, au seul prétexte qu'il a un diplôme prestigieux, et que dans l'esprit torturé des « managers », il est donc capable de gérer un projet sans connaître le monde du travail.

L'offre précise en fin de texte que cette formation me permettrait d'évoluer vers un métier « pérenne » sur une activité en « plein essor ».

C'est évidemment faux pour ceux qui ont plus de 30 ans. Les autres, s'ils ont les dents assez longues et le mépris assumé de leurs congénères, peuvent espérer un embryon de carrière.

Quant au « plein essor », et surtout à la « pérennité », ça serait un changement radical dans les SSII.

Un dernier détail : d'après cette propagande, la rémunération peut aller « jusqu'à 40 Keuros ».

Vous pouvez toujours rêver, même avec 10 ans d'expérience, aucune société n'embauchera un programmeur à ce prix. Et pour ceux plus expérimentés, pas d'embauche quel que soit le salaire (du moins en CDI, en intérim, il peut y avoir des miracles).

Mais tant qu'il y aura des experts pour expliquer dans les médias qu'il y a des offres d'emploi non pourvues (jusqu'à plusieurs centaines de milliers, d'après les plus zélés), les vendeurs de rêves et autres profiteurs auront de beaux jours devant eux.



(1) Des tournures discutables, une ponctuation aléatoire, etc. Qui veut le lien ?
(2) Faire passer des tests de logique à des bac+5 ou des informaticiens expérimentés : il fallait oser
(3) Que les journalistes s'obstinent à appeler « programmateurs » parce qu'ils confondent informatique et spectacle, ou informatique et machine à laver. D'ailleurs, on dit très peu « programmeur » dans le domaine en question (SAP), il faut dire « consultant technique », ce qui permet de vendre la prestation plus cher, mais sans augmenter le salaire.


De nombreux illuminés situent la fin du monde pour le 21 décembre 2012, s'appuyant sur des calculs avantageusement arrangés, prétendument basés sur un calendrier maya, et se préparent vaillamment à  survivre à l'inévitable chaos (ils ne semblent pas remarquer qu'il faut quand même avoir un égo sérieusement démesuré ou un cerveau particulièrement dérangé pour estimer qu'on mériterait de survivre à tout le monde).

Mais voilà que d'autres illuminés situent maintenant la date fatidique au 21 mai 2011, ce qui nous laisse peu de temps. Ceux-là s'appuient sur une interprétation de la bible.

Ça tomberait bien, puisque ça m'éviterait de payer le deuxième tiers provisionnel, qui tombe précisément ce jour-là, mais ça risque quand même de nous raccourcir le week-end, puisque c'est un samedi.

Comme d'habitude, il y a aura les « élus », et les autres, à croire que c'est comme en politique (1).

Cette prophétie est bien évidemment étayée par des « preuves » totalement inattaquables, à défaut d'être scientifiques : le monde a été créé il y a 13000 ans, et justement, le 21 mai 2011, c'est son anniversaire, il a décidé de faire une fête à tout casser (2).

Plus précisément : tout ne fera que commencer le 21 mai, qui marquera le début d'une période de 5 mois (3), justement décrits comme « les 5 derniers mois », pendant lesquels le « châtiment divin » frappera, non sans avoir préalablement sauvé les gentils.

Un paragraphe plus loin, il y a une irréfutable preuve mathématique : 2011 – 33 = 1978 et 1978 = 2 * 23 * 43

Si vous n'êtes pas convaincus avec ça, je sais plus quoi faire : peut-être publier un article vers le 22 ?


(1) Pour ce qui est des promesses et des prévisions fantaisistes, c'est du pareil au même.
(2) Entres autres délires ici : http://worldwide.familyradio.org/fr/
(3) Pour sourire, et à condition de ne pas être allergiques aux erreurs de traduction,fautes de frappe, et autres imbécilités  :   http://worldwide.familyradio.org/fr/literature/waat/waat_5.html#5_3

« Les chèvres du pentagone » de Jon Ronson, journaliste (the guardian) et auteur de documentaires.

Le livre commence par le portrait du Général Stubblebine (1), chef des services de renseignement de l'armée américaine, en 1983. Il pense pouvoir traverser les murs, mais se heurte régulièrement à celui de son bureau lors de ses tentatives.
Il s'essaye aussi à la lévitation, sans plus de succès, et de son propre aveu « pas moyen de décoller mon gros cul du sol ».

Le général Stubblebine supervisait, entre autres, le « labo des chèvres », où étaient (sont ?) parquées des chèvres rendues muettes pour masquer leur présence sur une base militaire, et qui étaient utilisées pour tester les pouvoirs de l'esprit : tenter de les tuer en arrêtant leur cœur par la force de la pensée.

Un expert en arts martiaux, Guy Savelli, prétend pouvoir le faire sur des hamsters par la seule force de son regard.

Le but de ces expériences, de la traversée des murs au génocide des chèvres, était de former des « supers soldats », des « guerriers jedi », comme les appelle un ancien médium des forces spéciales, Glenn Wheaton, capables entre autres prouesses de devenir invisibles.

L'homme à l'origine des ces idées loufoques à la fin des années 70 est Jim Channon (2), auteur du « manuel d'opérations du bataillon de la première terre » (3) après son expérience traumatisante au Vietnam. (4).

Son manuel proposait des méthodes issues pour la plupart du mouvement « new age » pour mener les guerres autrement que par l'emploi de la force.

A cette époque, le général Noriega, qui émargeait à la CIA (alors dirigée par un certain Georges Bush) et devenait un problème a été la cible d'attaques d'une équipe de médiums logés à Fort Meade.
Noriega était lui aussi adeptes des méthodes paranormales pour assurer sa sécurité.

A partir de 1995, un des des anciens médiums de Fort Meade, Ed James, a commencé à faire des « révélations » et autres « prédictions », plus fantaisistes les unes que les autres, dans l'émission de radio d'Art Bell.

Ces nombreuses opérations secrètes ont aussi un coût : l'administration de Georges W Bush a fait verser, en 2004, 30 milliards de dollars à un budget secret pour les financer.

Il est aussi question du projet « MK-ULTRA » lancé par la CIA dans les années 50, à grand renfort de LSD, des méthodes utilisées à Abou Ghraib (5), de Guantanamo, etc.

Mais le plus difficile est de garder à l'esprit la première phrase du livre en lisant ces délires : « ceci est une histoire vraie ».

(1) http://en.wikipedia.org/wiki/Albert_Stubblebine
(2) http://en.wikipedia.org/wiki/Jim_Channon
(3) http://www.amazon.com/First-Earth-Battalion-Operations-Manual/dp/1449524559
(4) Où il a pu constater que  seuls 15 à 20% des soldats à qui on en donne l'ordre tirent pour tuer. Parmi ceux-là, 98% deviendront fous, les 2% restants étaient déjà fous. Il fit une dépression à son retour.
(5) Avec une version très différente de ce qu'avaient présenté les médias à l'époque du scandale