Youpi ! Un entreprise me contacte ! Via le site de l'Apec, c'est rien moins qu'un « directeur des opérations » qui m 'écrit.

Mais directeur de quoi ? Ce brave gugusse vient d'une SSII (1) qui existe « depuis 40 ans ». Il est très fort : à quelques années près, il inventait la prestation de service  informatique avant les ordinateurs.

Le site internet de sa société est aussi prétentieux que ridicule : les fautes de grammaire dans les descriptions côtoient les fautes de goût dans le design.

Le site semble avoir été fait à la va-vite dans les années 90, alors qu'une des activités de la société est « la conception de sites et de portails » !

Vérifications faites, c'est juste un « cabinet », qui engrange les CV par camions entiers pour les proposer à vil prix à des clients aux abois qui ont oublié d'anticiper les recrutements.

C'est très à la mode depuis quelques années : une SSII gagne un gros contrat, et à quelques jours du démarrage, se rend compte qu'il lui manque des dizaines de profils. Elle recourt alors à des « cabinets », grands pourvoyeurs de CV pas cher (2).

Et c'est la raison pour laquelle j'ai été contacté : il leur faudrait un programmeur ABAP (langage de développement propre à SAP), pompeusement décrit comme « ingénieur études et développement ABAP ».

C'est une double faute pour le recruteur : d'une part, mon CV montre que je n'ai pas programmé depuis près de 10 ans, et d'autre part, mon domicile est quelque peu éloigné du lieu de la mission, qui est à Lille.

Et il croit vraiment que je vais lui répondre ??


(1) Toute autre provenance serait suspecte, ou bien le résultat d'une erreur d'aiguillage
(2) Je sais de quoi je parle, c'est ce qui me vaut d'avoir un salaire ces temps-ci.

L'état désastreux du monde, et l'inconséquence de ses dirigeants, ont enfin une explication, qui prend en compte toutes les problématiques, de l'écologie à l'économie, des finances publiques à la faim dans le monde.

Cette explication figure à la une de « science & vie » de ce mois-ci : « L'intelligence humaine en panne ».

L'intelligence humaine, du moins telle que mesurée par les tests de QI, aurait atteint ses limites.

Ce qui signifie, non seulement que l'humanité ne progresserait plus, mais plus inquiétant, qu'elle est à peu-près aussi conne qu'avant, et pourrait le rester.

Ce brave Alexandre, dont j'ai déjà beaucoup parlé (1), a visiblement conservé mon adresse mail, et toute son incompétence.

Il est aujourd'hui tellement perdu qu'il me réclame non pas un, mais « des » CV à jour.

Qu'est-ce qu'il s'imagine ? Que j'en ai un tout prêt pour chaque pantin qui me spamme ?

Il demande aussi que je lui indique les opportunités « qui ne correspondent pas à mes attentes mais qui peuvent intéresser d'autres personnes. ».

La liste des postes qui ne correspondent pas à mes attentes est très facile à établir, et il peut le faire tout seul : elle correspond très précisément à la liste des mails qu'il m'a envoyés.

Quant aux personnes qui pourraient être intéressées, très simple aussi : il s'agit de tous les candidats assez demeurés pour s'imaginer qu'un rigolo qui m'écrit de l'autre bout de l'Europe pour un hypothétique poste sans rapport avec mes compétences a autre chose à proposer que du vent.

Mais ne nous fâchons pas, puisque tout va pour le mieux dans le monde merveilleux de l'informatique.

C'est Cadresonline qui me l'a dit : une célèbre SSII, qui m'a déjà à maintes reprises signifié son désintérêt pour ma personne, recrute 1600 personnes en France, dans 26 villes, mais 600 pour Paris.

Bloqué hier par la neige en pleine campagne, et sans internet, j'ai zappé entre divers programmes jusqu'à tomber sur un monument d'incompétence journalistique (1).

Comme souvent, faute d'oser aborder de vrais sujets et d'enquêter avec sérieux, il faut faire du sensationnalisme de pacotille (et, en l'occurrence, pour d'évidentes raisons politiques, vue l'invitée).

Qu'ont-ils donc bien pu dire, se demande le lecteur, pour justifier mon courroux ? Vous ne voyez-pas ? Mais si voyons : la pénurie de compétences dans l'informatique et la nécessité de recruter dans d'autres pays. (la question n'est pas de savoir s'il faut recruter à l'étranger, mais pourquoi on ment sur la disponibilité de compétences en France)

Ils ont illustré leurs propos avec un exemple de « génie » de l'informatique, qui connaîtrait « 20 langages différents », et porte le catogan (j'ai la conviction que ce dernier point est la raison première de son embauche, ainsi que son âge).

Soyons clair : si connaître 20 langages informatiques fait de vous un génie, je suis donc un demi-génie, puisque je n'en connais qu'une dizaine, ce qui n'est pas si mal, bien que je ne programme plus depuis longtemps.

Mais l'escroquerie n'est pas là, elle est sur le salaire offert à ce gentil garnement, qui est de 54 keuros, soit 4500 euros bruts par mois (environ 3500 euros nets), le chiffre sur le contrat est d'ailleurs montré en gros plan, et l'embauche se fait directement en CDI.

Une telle somme pour un poste de développeur, c'est à dire programmeur, est tout simplement impensable, sinon, je n'aurais jamais arrêté de programmer.

Faire passer cette inexplicable exception pour ce qui serait une règle dans les métiers de l'informatique relève de la manipulation.

Ce niveau de salaire est inatteignable pour la plupart des informaticiens, y compris avec beaucoup d'expérience, un bac+5, et un autre niveau de responsabilité que programmeur.

Me concernant, si j'osais demander un tel niveau de rémunération lors d'un entretien, je passerais aussitôt pour un comique involontaire, ou plus probablement pour un demeuré.

Mais surtout, comment croire qu'il n'y a pas en France de programmeur de bon niveau ? Ce métier est généralement méprisé par les recruteurs, et sous payé, au point que beaucoup de ces postes sont délocalisés dans des pays à bas coût.

Si des programmeurs ont vu ce reportage, il est certain qu'ils vont dès aujourd'hui aller demander une augmentation de 100%, puisque la plupart sont payés bien moins que 30 keuros, soit 2500 euros bruts mensuels, environ 2000 euros nets (2).

Pour plus de réalisme, il vaut mieux lire les articles du MUNCI (2), notamment celui qui explique qu'en 2012, le chômage dans l'informatique augmentera de 10 à 30 %.

Au delà de cet exemple, comment accorder désormais le moindre crédit à un reportage télévisé (4), puisque si dans un domaine que je connais, ils racontent n'importe quoi, je n'ai aucune raison de penser que sur le reste ils puissent montrer plus de compétence.


(1) Vous voudrez bien excuser le pléonasme
(2) Un collègue gagne cette somme avec 20 ans d'expérience,et la connaissance d'un langage pourtant très demandé...Mais lui aussi est sûrement une exception...
(3) http://munci.org/Le-chomage-des-informaticiens-est-reste-quasi-stable-en-2011?page=article
(4) Rassurez-vous : je n'ai pas attendu hier soir pour me rendre compte du désastre