D'habitude, quand je parle des SSII en disant qu'elles n'embauchent que des jeunes, mes interlocuteurs me répondent que je me fais des idées, ou sous-entendent que je dois être particulièrement incompétent pour ne pas trouver plus facilement du travail : même le JT de 20h dit qu'elles embauchent.

Heureusement, hier matin, sur une radio nationale,  le président d'une grande SSII française a clarifié les choses : « on embauche des jeunes, pas assez, encore, des jeunes, puisqu'effectivement c'est un des paramètres importants pour baisser le salaire moyen » (1).

Il fallait oser le dire, remercions-le, maintenant les choses sont claires : on ne veut ni des vieux (c'est à dire des plus de 35 ou 40 ans) ni des gros salaires (2).

Il dit aussi dans la même interview qu'il voudrait arriver à 40% des effectifs de la société en Inde...

Au moment où tous les responsables politiques gesticulent à propos des délocalisations, celles-là n'intéressent personne : il ne s'agit que d'emploi qualifiés irrémédiablement perdus, et pour lesquels de toutes façons les salaires sont déjà, pour les ingénieurs, inférieurs à ceux des autres secteurs (c'est quasiment le secteur qui paye le moins, voir le lien (2) ).

Curieux que personne ne reproche à ces sociétés, d'une part les délocalisations, et d'autre part le rejet des vieux : qu'en serait-il s'il s'agissait, au hasard, d'un constructeur automobile, qui annoncerait tranquillement qu'il va envoyer la moitié de ses usines en Asie et n'embaucher que des jeunes pour baisser sa masse salariale ?

Mais puisque les les médias nous disent qu'il y a pénurie de candidats dans l'informatique.

(1) Qui veut le lien vers l'interview ?
(2) Sauf pour les dirigeants de ces entreprises : http://www.zdnet.fr/actualites/salaires-de-l-informatique-l-ecart-se-creuse-entre-patrons-et-ingenieurs-39705752.htm

C'était cet après-midi, chez l'ophtalmologiste : j'avais un rendez-vous que j'avais réservé, comme tout le monde, il y a environ 350 ans.

Une veille dame a demandé à la secrétaire le montant à payer :

- Combien avez-vous dit ?
- 28 euros …
- Comment ?
- 28 EUROS !!
- Oh, excusez-moi de faire répéter, mais vous savez, à mon âge, il n'y a pas que les yeux !

Il y a longtemps que je n'avais pas reçu d'offre d'emploi qui corresponde à mes compétences d'il y a 15 ans : c'est arrivé aujourd'hui.

L'entreprise – en fait une société d'intérim insignifiante – recherche des programmeurs Cobol.

Ceux-là même qui ont été virés comme des mal-propres il y a près d'une décennie deviendraient aujourd'hui une denrée recherchée : il étaient vieux et leurs compétences avaient été déclarées obsolètes.

C'était bien sur : les nouvelles technologies allaient tout remplacer, du Web et du JAVA partout, c'est tellement plus joli.

Et puis ça permettait d'avoir une vraie (puisque les vieux ne connaissent pas ces technologies) mais fausse (puisqu'on peut les former) raison d'embaucher des jeunes.

C'était surtout une bonne manière de se débarrasser d'encombrants quadras aux salaires qui ne permettaient plus aux SSII de se sucrer suffisamment, les clients devenant eux aussi plus avisés et plus âpres à la négociation (en fait, l'arrivée de guignols qui se croient gestionnaires dans les services « achats » et qui considèrent qu'une prestation s'achète comme un stylo ou du papier toilette : le moins cher étant forcément le meilleur).

Il paraîtrait donc légitime de se réjouir de cette embellie soudaine du marché de l'emploi informatique pour les séniors.

Il n'en est rien : le nombre de postes à pourvoir sera toujours très nettement inférieur au nombre de candidats potentiels, et les salaires s'en ressentiront.

D'ailleurs, je n'ai même pas répondu à la demande de mise en relation qui m'a été envoyée via un réseau professionnel.

Ça y est, c'est fait, j'ai signé un CDI : ce n'est pas un choix, c'est juste qu'il n'y a plus de missions en intérim.

La procédure a été longue: la société 1 qui m'a finalement embauché est passée par une société 2 qui a pris en charge le recrutement.

Pour rémunérer ses frais de recherche (qui se montent à zéro, c'est moi qui leur avait envoyé mon CV), la société 2 m'a vendu (1) à la société  3 pendant 6 mois, avant que je sois finalement embauché par la 1ère.

J'ai donc dans un premier temps signé un CDI (2) avec la société 2 pour travailler dans la société 3, chez qui se déroule la prestation, avant d'être intégré dans la société 1, qui me vend aussi à la société 3.

Vous suivez ?

Il m'a donc fallu démissionner de la société 2 pour signer le contrat de la société 1, qui dans sa grande bonté m'a accordé de conserver mes 6 mois d'ancienneté et l'absence de période d'essai.

Mais ce n'est pas encore fini : la société 1 va être rachetée par une société 4 qui a une franche réputation de parfaite SSII. (dois-je préciser qu'il ne s'agit pas d'un compliment?)

Or, la société 4 voudrait améliorer sa pyramide des âges, ce que malgré mes efforts je ne pourrai pas faire, faisant d'ores et déjà partie des séniors.

Il est donc probable que ce contrat pourtant dûment estampillé CDI ne se transforme en contrat bien moins stable dans les mois à venir.


(1) C'est de la prestation de service : une entreprise fait faire à des personnes moins bien payées que ses employés le travail qui ne l'intéresse pas. Au final, ça coûte plus cher, mais c’est l'économie moderne.
(2) Signer un CDI pour 6 mois : ils ont vraiment du temps à perdre.