Depuis longtemps et dans de nombreux domaines, ce qui vient des USA est appliqué à contre-temps en Europe.

Le recrutement n'échappe plus à cette règle.

La nouveauté du moment consiste à consulter les proches d'un candidat. Un directeur de cabinet de recrutement cité dans un article (1) précise même : « aujourd’hui, c’est devenu presque systématique. ».

Avouer si ouvertement sa totale absence de discernement est particulièrement édifiant : le CV, les entretiens, les tests de personnalité, de connaissances, ça ne suffit plus, il faut maintenant à sonder la vie privée du candidat.

L'envie de leur répondre « ce que je fais en dehors du travail ne vous regarde pas » doit certainement traverser l'esprit de bien des candidats à qui on demande les coordonnées de ses proches.

Surtout quand on lit plus loin « Je ne vois pas pourquoi un candidat refuserait, à moins qu’il n’ait quelque chose à cacher. ».

La lubie habituelle « il a quelque chose à cacher », il faut lui faire avouer : bien sûr, il cherche du travail, c'est suspect, surtout en cette période économique si faste.

Il va maintenant falloir se justifier sur tout : nombre de sorties par semaine ? Sports pratiqués ? Fréquentations ? Bière ou soda ? Programme télé préféré ? Aimez-vous les films avec des gladiateurs ?

Et la prochaine étape ? Test ADN pour détecter les tares héréditaires ? IRM ? Scanner ? Coloscopie ?

Il y a une première contradiction inhérente à ce procédé : quel candidat donnera des coordonnées sans en avertir au préalable les personnes concernées ? Et quel candidat prendrait le risque de donner le nom d'une personne qui ne « cadrerait » pas avec le poste visé ?

Deuxième contradiction : il faut, d'après l'article, chercher des candidats qui mènent « une vie épanouie en dehors du bureau ». Si un candidat a une vie si épanouie en dehors du travail, c'est qu'il n'a pas besoin du travail pour s'épanouir, et sera d'autant moins enclin à s'y investir, pour mieux profiter de sa vie si « épanouie ».

Mais qu'importe, tant qu'il y aura 3 millions de demandeurs d'emploi (2), on pourra à loisir inventer de nouvelles méthodes de recrutement, plutôt que de s'avouer qu'elles ne marchent pas : ça permet de justifier sa facturation.


(1) http://www.cadremploi.fr/edito/actu-et-conseils/actualites/revue-de-presse/d/dr/3/semaine-du-23-au-29-mai-2009/4/recrutement-la-consultation-des-proches-du-candidat.html

(2) En fait, c'est (déjà, mais ça change tous les jours) presque 4 toutes catégories confondues.