Par un hasard malheureux, un clic de trop, j'ai postulé dans une société de service, et ces pantins m'ont appelé pour un entretien.

L'individu qui m'a reçu a, d'entrée, marqué son territoire, en brave chien de garde de la bienséance : il m'a fait remarquer, comme s'il s'agissait d'une faute impardonnable ou d'un manque de respect, que j'étais en avance.

La suite a été sans surprise : 20 minutes de blabla sur l'entreprise, ses qualités, ses valeurs, son côté familial, la façon dont les collaborateurs sont choyés et évoluent dans un environnement disneylandesque, avec de merveilleuses perspectives de carrière.

Puis il en est venu à mon CV, et là, c'est le drame : rien ne correspond à ses attentes, dès le titre du CV « mais vous n'êtes pas du tout ça », « ça ne correspond pas à notre recherche ».

Il a passé 10 bonne minutes à relever toutes les compétences nécessaires pour le poste (1), dont il a une image grandiose, et qu'il se prévaut de parfaitement maîtriser, mais qui me font toutes défaut.
Lui serait un vrai « chef », un « manager » de compétition capable de gérer moult projets comme un vrai chef d'entreprise. Le déroulement de l'entretien me fait néanmoins penser que côté management et communication, il a de sérieuses lacunes à combler.

J'ai hésité un moment à lui demander nonchalamment : « dis-donc blaireau, si tu avais lu mon CV, tu aurais certainement remarqué les carences et lacunes, et tu nous aurais évité à tous les deux cette entrevue désagréable. Alors, pourquoi me recevoir ? Tu as des soucis ? Besoin de te défouler sans risque ? »

C'est d'autant plus ridicule que les CV sont en général enjolivés (2), et que je n'ai comme compétences, au mieux, que ce qui est écrit. Si c'est déjà insuffisant, pourquoi un entretien ?

Le point culminant de l'incompétence, et un indice me faisant penser qu'il ne faut pas forcément chercher dans les lacunes de mon CV, est venu sur la fin. Il m'a demandé mon âge : le grand classique de la conclusion d'entretien bidon.

Autre élément dans cette vaste comédie : je connais quelqu'un qui a 10 ans de moins que moi, les mêmes diplômes mais beaucoup moins d’expérience, et aucune compétence dans le domaine demandé sur l'annonce (3), qui a été embauché il y a quelques jours dans cette même entreprise.

Il est vrai qu'il est fringant et porte bien mieux le costume.

Pour résumer, un lien intéressant, concernant les entretiens et leur utilité. Il s'agit d'une interview de Jean-François Amadieu, dont j'avais parlé ici-même pour son livre (4) :

http://www.cadremploi.fr/edito/actu-et-conseils/cadremploi-tv/on-revient-vers-vous/d/1/jean-francois-amadieu-lentretien-ne-sert-a-rien.html

Si les entretiens sont inutiles, ou au moins inefficaces pour un vrai travail, imaginez un peu leur utilité pour un presque-job éventuel à une date inconnue, si une mission se présente ?


(1) Il s'agit d'une SSII, donc d'un poste hypothétique, voire imaginaire, et toujours dans un futur indéterminé.
(2) Pas le mien (parce que je mens très mal), mais les études montrent que deux tiers des CV le sont à divers degrés (de la période de chômage cachée au diplôme inventé).
(3) Il en bien d'autres, là n'est pas la question
(4) Il y a bien longtemps : http://affresdemploi.blogspot.com/2009/04/le-poids-des-apparences.html