Un internaute de Corée du Sud a été emprisonné pour avoir publié, sur son blog, des articles traitant d'économie. Il a été accusé, entre autres, « d'atteinte à la crédibilité de la nation » (1)

Je vais donc, pour éviter tout malentendu fâcheux, préciser ma pensée sur la situation actuelle.

En France : les offres d'emploi affluent, les entreprises se portent bien, l'état n'est pas endetté ni en déficit chronique, l'immobilier est en pleine forme, pas de grève à l'horizon, les délocalisations font place aux relocalisations, le chômage est à 1% (2), le régime ASSEDIC est bénéficiaire, la caisse de sécurité sociale déborde, les caisses de retraite sont pleines, la croissance sera de 25% cette année, les voitures se vendent comme des petits pains, l'A400M est en avance, l'EPR est une solution d'avenir, les particules émises par les moteurs diesel ne sont pas cancérigènes, l'eau des rivières est potable sans traitement, les pesticides ne sont qu'un souvenir, [liste à compléter]

Dans le monde : il y a du pétrole pour 3000 ans, le climat ne changera pas, la banquise ne fond plus, la famine est vaincue, le paludisme a disparu, les cyclones, typhons et autres calamités climatiques sont maîtrisés, la forêt d'Amazonie gagne du terrain, les océans regorgent de poissons, la démocratie est partout, le FMI fait des merveilles, [liste à compléter]

Dans l'informatique, c'est l'euphorie : des recruteurs respectueux lisent les CV avec attention, surtout ceux des séniors, qui sont très recherchés, et proposent des missions en parfaite adéquation avec les diplômes, l'expérience, les désirs d'évolution de carrière, la ville, un salaire au delà des prétentions les plus élevées, ainsi que 35 semaines de congés payés, une Aston Martin de fonction et une villa avec piscine.[rien à ajouter ici : tout est dit]

Dormons sur nos deux oreilles : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes,


(1) http://tempsreel.nouvelobs.com/speciales/societe/20090312.OBS8433/reporters_sans_frontieres_epingle_douze_pays_ennemis_di.html
(2) Et prochainement en dessous de 0%, n'en doutons pas

Mon CV est subitement (re?)devenu intéressant pour les recruteurs (*) : il était pourtant, hier encore, bon pour la corbeille.

Compétences obsolètes, âge canonique, diplôme obtenu sur le tard : autant de tares rédhibitoires.

Las ! Tout a changé, les opportunistes sont de retour.

Ils me proposent une mission sur un site moribond, duquel on m'a récemment éjecté, utilisant une technologie obsolète, en me la présentant comme la chance de ma vie.

Ce même CV se pare maintenant de qualités insoupçonnées : expérience valorisante dans des domaines porteurs, maîtrise d'un environnement technique apprécié par les clients, etc.

Tout ça parce que des commerciaux ont senti la marge venir, espérant obtenir du demandeur d'emploi qu'il accepte un salaire de débutant, le vendre à vil prix, et empocher la différence sans effort.

Mais voilà : je suis plus difficile à convaincre que si j'étais aux abois, en fin de droits, l'échine courbée, et quelques huissiers aux trousses.

Le discours qui consiste à me présenter des mirages comme une réalité tangible : je le connais par coeur, il m'a été servi depuis toute l'Europe, pendant des mois, par toutes sortes de guignols se présentant comme des « spécialistes du recrutement ».

De toutes façons, jamais il ne me proposeront un salaire à la hauteur du mépris que j'ai pour eux.


(*) « les » ne sont que 2, les seuls à se positionner sur ce contrat

L'ANPE, ou plutôt le « pôle emploi » (*), m'écrit presque tous les jours.

Les offres de plus en plus alléchantes mettent à rude épreuve ma fidélité à mon agence d'intérim, pourtant très efficace.

Heureusement, d'ailleurs, qu'elle est efficace, puisque j'attends toujours, depuis janvier, que me soit versée l'allocation qui m'est due. Comment font ceux qui n'ont qu'un SMIC ? Ils « oublient » de payer leur loyer ? Ils arrêtent de manger ?

Revenons à une première offre : Bac+2, anglais courant, et 2 à 5 ans d'expérience (version politiquement correcte de « moins de 30 ans »), comme d'habitude; seule la localisation est originale : en Ardèche.

Le salaire est quant à lui dans les prix actuels du marché : 1400 euros (bruts, bien entendu). La fourchette haute est à 2000, mais chacun sait qu'elle n'est là que parce qu'il y a deux cases à remplir.

Une seconde offre, le même jour : j'ai précisé que je recherche en midi-Pyrénées, c'est pourquoi on me propose un travail sur Colmar, dans un domaine que je ne connais pas.

Le salaire est néanmoins plus attractif que dans l'offre précédente : on atteint ici les 1450 euros bruts.

Un nouveau slogan devrait bientôt voir le jour : « travailler plus loin pour gagner moins ».

(*) Pour les futurs, et nombreux, concernés, le site www.anpe.fr fonctionne toujours.

Après maintes hésitations, en annonçant d'abord une croissance faible, puis une croissance « négative », les médias ne parlent plus que de la récession qui va nous frapper.

Les chiffres du chômage ont aussi profité de ce sursaut de réalisme : l'augmentation prévue est de 300 000 cette année (+20 000 depuis la dernière annonce).

Pourquoi ne pas directement aller à l'essentiel ? Dire que cette année la récession sera d'au moins 5%; et qu'au rythme du mois de janvier, il faudrait compter plus de 3 millions de chômeurs en décembre : nous serions fixé.

Dire aussi qu'il y a une surcapacité de production automobile dans le monde, et que, quoi que fassent les gouvernements, des usines fermeront, à moins d'envoyer directement les voitures neuves à la casse.

Et enfin, que l'état des finances publiques ne permettra pas de faire grand-chose : la France devrait emprunter près de 100 milliards d'euros cette année, plus quelques autres pour la sécurité sociale.

Étant donnée la difficulté qu'ont les états à se financer sur les marchés ces temps-ci, c'est peut-être dans la fonction publique qu'on a le plus à s'inquiéter.